Loi de santé : à Roanne, une centaine de généralistes « à bout » en grève à partir de lundi

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Publié le 15/05/2015

Crédit photo : S TOUBON

De toute sa carrière, le Dr Michel Seraille n’a jamais vu une telle mobilisation. À 62 ans, le médecin généraliste de Roanne (Loire), ville de 35 000 habitants située à plus d’une heure de Clermont-Ferrand et Lyon, est à l’origine du mouvement de grève que devraient suivre 95 % de ses confrères roannais du lundi 18 au mercredi 20 mai.

Au lendemain du vote par les députés du projet de loi de santé, le 14 avril, le Dr Seraille, alors en voyage à l’étranger, envoie un e-mail révolté à une dizaine de confrères qui, comme lui, participe au tour de garde. Il y raconte le « mépris » du gouvernement à l’égard des médecins, l’étatisation qu’imposera cette loi aux professionnels, le risque de voir le secret médical galvaudé par la libération des données de santé, l’« ingérabilité » technique du tiers payant pour tous... Surprise !

Ses confrères partagent son opinion et l’encouragent à organiser une rencontre entre les médecins de la ville et de l’agglomération pour parler des dangers de la loi de santé. Le Dr Seraille se met à la tâche. Un mois après, 90 médecins généralistes, syndiqués ou non, s’apprêtent à fermer leurs cabinets.

Médecins épuisés

Depuis 2006, le Roannais et ses 180 000 habitants est placé en zone de soins de proximité (ZSP) en raison de son fort taux de personnes âgées et ses indicateurs de précarité défavorables. Le Dr Seraille a conscience de l’impact d’une telle grève sur la prise en charge de ses patients.

« Aujourd’hui, il faut faire brûler des pneus devant les préfectures pour être entendus. Nous sommes obligés de nous engager dans un coup de force contre cette loi gravissime pour l’exercice de la médecine de famille. Regardez la grève de la télétransmission, et même la manifestation nationale à Paris ! Rien n’a changé depuis. »

Les médecins du Roannais sont à bout. La ville, en perte d’attractivité, perd chaque année un peu plus de professionnels de santé. Quatre généralistes partiront cet été, dont deux qui n’ont pas l’âge de la retraite. « Épuisés », « en burn out », ceux qui restent refusent tout net de prendre de nouveaux patients, témoigne le Dr Seraille. Il résume : « On n’en peut plus ici ».

Les grévistes ont renouvelé le plus possible les prescriptions de leurs patients en amont. Mais pour le reste, les urgences du centre hospitalier devront prendre la relève.

Soutien de MG France

Qu’espérer d’un tel coup de force ? Une invitation à Paris ? Un retrait du projet de loi ? En quête de « reconnaissance », le médecin n’en sait trop rien. Il s’agit de la première étape, prévient-il. Surpris d’une telle mobilisation, il l’a été tout autant de la colère qui anime la plupart de ses confrères. « Lors de notre dernière réunion de préparation, une quarantaine de médecins ont évoqué l’idée de déconventionnement, assure-t-il. Ce n’est pas rien ! »

Les Roannais se sont pour l’instant assurés le soutien « sans réserve » de l’UFML, qui publie sur son site une lettre des médecins grévistes aux patients.

De son côté, MG France n’hésite pas à parler de « Printemps de Roanne ». Le syndicat « encourage les médecins généralistes à ne pas se laisser faire, et leur propose de participer massivement à ce printemps roannais qui part de la base pour une raison évidente : c’est sur le terrain que se trouvent les solutions aux problèmes ».


Source : lequotidiendumedecin.fr