Comment Rouen a évité un endettement excessif

L’ordonnance du Dr Fourneyron contre les emprunts toxiques

Publié le 09/04/2015
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Quand Valérie Fourneyron gagne en 2008 la ville de Rouen, à la tête d’une liste de gauche unie, elle découvre une cité en grande difficulté financière.

« La précédente municipalité s’était laissée séduire entre 2006 et 2007 par des propositions de prêts alléchantes à des taux exceptionnellement bas…, se remémore-t-elle. Mais ces emprunts se sont avérés être des produits toxiques spéculatifs avec lesquels on joue comme au casino, mais avec l’argent public, sur les différences de taux de change entre l’euro, le dollar et le franc suisse… »

La ville de Rouen est alors endettée à près de 70 % en emprunts toxiques à des taux cumulés de 10 à 25 %, dépassant parfois les 30 %. « En période électorale, certains élus sont à la recherche de prêts pour tenir leurs promesses. S’ils sont réélus, ils ont un mandat pour rembourser… Dans le cas contraire, c’est leur adversaire qui récupère la dette… », explique un ancien cadre de Dexia, l’une des principales banques impliquée dans la ville normande.

Dès son arrivée aux fonctions, la nouvelle maire bâtit une équipe financière pour négocier à l’amiable avec les banques prêteuses dont Natixis, Dexia et la Royal Bank of Scotland. Ces discussions, très rudes, s’étaleront sur quatre années de 2008 à 2012. « En fin de compte, à la place d’une dette potentielle de 50 millions d’euros, la ville a réglé 5,2 millions d’euros d’indemnités et cela sans saisir les tribunaux », résume Valérie Fourneyron. L’ancienne ministre des Sports juge cette « porte de sortie acceptable » : « Les taux d’intérêts de la dette des produits toxiques sont devenus fixes à 5,35 % au lieu de 26,4 % et 9,8 %. »

Rouen, un exemple à suivre ?

Selon Valérie Fourneyron, l’expérience rouennaise peut servir d’exemple à d’autres villes plongées dans une situation similaire. « Il faut privilégier la renégociation directe avec les émetteurs de ces emprunts toxiques et ne pas avoir peur de se battre avec hargne », conseille l’ancienne ministre des Sports. Les emprunts toxiques représentent un risque majeur tant pour les collectivités locales que pour les hôpitaux. En dix ans, la dette des établissements de santé a triplé pour atteindre 30 milliards d’euros dont 1,5 milliard d’emprunts structurés. Pour soutenir les établissements publics de santé touchés par les emprunts toxiques, le gouvernement a créé en avril 2014 un fonds de soutien de 100 millions d’euros sur trois ans, récemment abondé de 300 millions d’euros sur 10 ans après la flambée du franc suisse. Selon l’ancien maire de Rouen, les plus petits hôpitaux sont les plus fragiles car ne disposant pas tous des appuis techniques pour renégocier. La législation a évolué pour éviter que pareil scénario catastrophe se reproduise. « Avant, les établissements publics de santé étaient libres de tout négocier comme ils le désiraient, observe Valérie Fourneyron. Désormais, ils doivent respecter une charte avant de signer un quelconque engagement. » Par ailleurs le conseil de surveillance de chaque établissement doit être obligatoirement informé des conditions de chaque prêt. Un amendement du projet de loi de santé prévoit d’interdire aux établissements de contracter de nouveaux emprunts toxiques (voir ci-dessous).

Claude Sokolski

Source : Le Quotidien du Médecin: 9402