LE QUOTIDIEN : Alors que le troisième est en cours, quels bilans tirez-vous des trois plans Maladies rares ?
MARIE-PIERRE BICHET : Le troisième plan, qui devait initialement se terminer en 2022, a été prolongé d'un an. Un report essentiel pour que les mesures mises en place tardivement puissent produire leurs effets. Mais d'ores et déjà, le bilan des trois plans Maladies rares est extrêmement positif, car ils ont permis d'organiser un réseau de prise en charge, de soins, de recherche et d'enseignement, avec des dispositifs très performants. Nos centres experts de référence et de compétences sont enviés dans le monde entier et nos 23 filières de santé maladies rares ont inspiré les réseaux européens de référence. Les plans ont aussi permis la mise en œuvre de la banque nationale de données maladies rares (BNDMR).
Néanmoins, il reste des défis à relever, alors que les maladies rares concentrent de nombreuses problématiques très spécifiques. Elles doivent être maintenues à l'agenda politique, c'est notre priorité et nous sommes en ordre de marche pour définir des actions et des objectifs précis, mesurables et atteignables.
Quels sont ces défis à relever ?
Il s'agit en premier lieu de lutter contre l'errance diagnostique. Aujourd'hui, encore près d'un quart des patients attendent leur diagnostic plus de cinq ans. C'est énorme, alors que nous disposons des structures et des experts nécessaires. Pour y remédier, nous devons notamment absolument promouvoir la culture du doute chez les médecins généralistes. Bien sûr, ils ne peuvent pas connaître les 7 000 maladies rares répertoriées, mais face à un patient présentant un ensemble de symptômes qui n'évoquent pas de maladies connues, ils doivent avoir le réflexe d'orienter les patients vers ces centres experts. Ces centres permettent de gagner un temps considérable dans le parcours diagnostique, mais ils ne sont pas encore bien connus, malgré plus de 15 années d’existence.
On estime que 50 % des personnes atteintes de maladies rares n'ont pas de diagnostic précis en raison de l'état actuel des connaissances qui ne permet pas d'en poser un malgré toutes les investigations menées. La lutte contre cette impasse, déjà au cœur du troisième plan, doit indéniablement être renforcée, d’autant que nous avons de plus en plus d'outils pour pouvoir mettre un nom sur des symptômes et décrire de nouvelles maladies.
L'enjeu est également d'améliorer l'accès au traitement. De nombreuses options innovantes arrivent sur le marché, notamment des thérapies géniques, mais leur accès est inéquitable et les prix très variables d'un pays à l'autre. Il n'est pas rare que des familles traversent l'Atlantique pour avoir un traitement non disponible dans notre pays…
La France doit aussi absolument progresser sur la question du dépistage néonatal. Il est limité à six maladies chez nous, alors que de nombreux pays européens en intègrent beaucoup plus ! Il existe de plus en plus de maladies pour lesquelles de nouveaux médicaments peuvent changer considérablement la vie lorsqu'ils sont pris à la naissance. Nous avons pris un énorme retard en France sur ce sujet. C'est inacceptable que des enfants ne puissent pas profiter à temps d'un médicament qui pourrait changer leur vie du tout au tout, comme c'est le cas pour l’amyotrophie spinale, tout simplement parce que notre pays n’a pas su s’adapter à temps.
La recherche doit par ailleurs être davantage stimulée par des appels à projets innovants. Et c'est d'autant plus important que la recherche sur les maladies rares contribue à faire avancer celle sur les maladies chroniques plus fréquentes. Et les investissements doivent aller jusqu'à la production du médicament, car certains, dont la preuve de concept a pourtant été apportée par des chercheurs français, nous échappent pour des raisons économiques au moment de la mise sur le marché.
Concrètement, comment parvenir à atteindre ces objectifs ?
Aujourd'hui, nous sommes bien dotés en termes de dispositifs, mais il faut qu'ils aient les moyens de fonctionner. Il faut renforcer les financements des centres de référence et des filières de santé maladies rares. Les plateformes d'expertise régionales labellisées en 2020-2021 doivent par ailleurs être pérennisées.
Pour que les mesures se concrétisent, nous plaidons pour que le quatrième plan Maladies rares soit porté au plus haut niveau. Le troisième plan est actuellement porté par les ministères de la Santé et de la Recherche avec qui nous avons des liens très forts, mais il faut aller plus loin, pour notamment répondre aux enjeux industriels concernant la production de biothérapies. Il faut aussi impliquer l'Éducation nationale pour proposer aux enfants atteints de maladies rares une scolarisation adaptée.
Tellement de champs sont couverts par les maladies rares, nous devons travailler ensemble et nous sommes convaincus qu'un plan interministériel porté au plus haut niveau de l’État fera avancer beaucoup de sujets.
Y a-t-il déjà une volonté politique pour un quatrième plan ?
Je n'irai pas jusqu'à l'affirmer. Car si les parties prenantes sont déjà convaincues et que le congrès de l’Alliance a été le lancement des premières discussions, il faut continuer de convaincre les décideurs que les maladies rares ne sont pas si rares, qu’elles concernent trois millions de Français et qu’elles peuvent apporter des solutions pour d'autres pathologies. La France est toutefois le seul pays à avoir conduit trois plans Maladies rares enviés dans le monde entier. Nous espérons donc que la volonté politique et les moyens seront au rendez-vous.
Qu'en est-il au niveau européen ?
La France a un rôle extrêmement moteur. La présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE) a d’ailleurs donné lieu à une conférence de haut niveau le 28 février dernier avec les ministres de la Santé des différents pays pour lancer les prémices d'un plan européen.
Ce travail va se poursuivre pendant les prochaines présidences, celles de la Tchéquie, de la Suède et de l'Espagne. Le but étant de dessiner les grandes lignes d'un plan à l'issue de la présidence espagnole au bénéfice des 30 millions de personnes concernées au sein de l'Union.
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