Un système de santé en pleine crise

Mauvaises nouvelles médicales de Moscou

Publié le 14/12/2008
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« NOS PATIENTS ne sont pas tous des oligarques, beaucoup d’entre eux meurent faute de pouvoir se payer l’opération qui aurait pu les sauver, estime le Pr Alexandre Bronstein, patron d’une des cliniques privées les plus réputées de Moscou, le Centre d’endochirurgie et de lithotripsie. J’ai proposé à un ministre de la Santé de faire financer par un ami oligarque les coronographies de tous les Moscovites qui en avaient besoin, raconte-t-il, mais la suggestion n’a pas été retenue : il aurait fallu opérer un certain nombre de ces malades et aucun financement n’était disponible. »

En Russie, entre 23 000 et 25 000 interventions à cœur ouvert sont réalisées chaque année, contre 2,2 millions aux États-Unis. À population égale, la distorsion est de un à cinquante. « Nous perdons annuellement de 3 à 4 millions de vies humaines, affirme encore le Pr Bronstein, dont la plupart auraient dû être sauvées eu égard au niveau actuel de la médecine contemporaine. »

Les divers témoignages recueillis par l’association AMSR concordent et décrivent une situation de quasi-faillite. Dans un pays où la gratuité des soins est consacrée par la constitution, les citoyens n’ont pas les moyens de se soigner. Avec un budget qui correspond à 3 % de la masse salariale, l’assurance-maladie obligatoire (ASO) ou volontaire (ASV) ne prend en charge que 15 % des frais d’hospitalisation.

Les hôpitaux saturés.

Quand ils peuvent payer, les Russes sont confrontés à la saturation des établissements de soins, liée à la pénurie de personnels médicaux aggravée par la désorganisation administrative. Directeur du département de la santé publique de Moscou, Andreï Seltosvskii cite le cas, non exceptionnel, assure-t-il, d’une polyclinique devant laquelle les patients doivent faire la queue « dès l’aurore afin d’obtenir un simple bon de consultation en endocrinologie. Et encore, ajoute-t-il, l’unique consultant de cet établissement a-t-il largement dépassé l’âge de la retraite. » Le même A. Seltosvskii déplore la pénurie d’équipements modernes. « Quand ceux-ci sont disponibles, comme les tomographes à résonance magnétique nucléaire, les personnels sont insuffisamment formés à leurs manipulations, voire ils ne possèdent aucune formation appropriée. » Si la police d’assurance obligatoire n’autorise pas les patients à fréquenter la polyclinique de leur choix, l’argent roi permet de passer outre et de consulter librement le médecin souhaité à condition d’y mettre le prix.

Les stocks de médicaments sont partout insuffisants. À Saint-Pétersbourg, le président du comité pour la santé publique signale une pénurie d’atropine, avec des stocks qui atteignent le seuil critique de moins d’un mois. À Moscou, c’est la noradrénaline qui commence à faire défaut. Des médecins, pour faire face, demandent que soit réinstauré, pour les produits essentiels comme les anesthésiques, le système communiste de commande d’État.

 CHRISTIAN DELAHAYE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8480