Mayotte : des prévalences d'obésité, d'HTA et de diabète bien plus élevées qu'ailleurs en France

Par
Publié le 11/05/2022

Crédit photo : AFP

Mieux connaître la santé d'une population pour développer des politiques pertinentes : telle est la vocation du dernier « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (BEH) consacré à Mayotte, 101e département français, en se basant sur l'enquête Unono Wa Maore réalisée en 2019 par Santé publique France.

Diabète, hypertension artérielle (HTA), insécurité alimentaire, mais aussi hépatites B et C dans une première étude et, dans d'autres encore avant, santé sexuelle et couverture vaccinale. « Cet état des lieux des principaux indicateurs de santé à Mayotte démontre l’intérêt d’intégrer ce territoire dans le cycle des baromètres santé pour mieux orienter les politiques de santé dans ce jeune département », soulignent dans l'édito Julien Thiria, ex-directeur de la santé publique à l'ARS de Mayotte, et Joëlle Rastami, ex-vice-présidente du Collectif interassociatif sur la santé – Océan Indien. Ces deux structures récemment créées ont pour objectif de relever les défis de ce territoire dont la population, jeune, croît de 3,8 % par an et où 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté (cinq fois plus qu’en métropole).

12,1 % des adultes touchés par le diabète

Les défis sanitaires sont nombreux. Il y a d'abord urgence à lutter contre le diabète qui touche, selon l'étude Unono Wa Maore de 2019 (basée sur le recours au dosage de l’HbA1c), plus de 12 % des 18-69 ans, une prévalence en augmentation au cours de la dernière décennie (l'étude Maydia de 2008 estimait que 10,5 % des adultes âgés de 30 à 69 ans étaient diabétiques), et supérieure aux taux de la métropole (moins de 6 % de diabète connu chez les adultes). Près de 40 % de ces diabétiques, notamment les plus défavorisés socialement et dégradés sur le plan physique, ne se savent pas malades.

Les femmes sont les plus touchées, avec une prévalence de 13,3 % versus 10,6 % pour les hommes. Les taux croissent aussi avec l'âge, de 17,7 % chez les 30-69 ans, à 37,6 % chez les plus de 60 ans.

Par ailleurs, les personnes diabétiques ont très fréquemment une obésité associée (entre 50 et 70 % selon le stade d'hyperglycémie), ainsi qu'une HTA associée (entre 42 et 70 %).

L'HTA insuffisamment connue et traitée

Un deuxième article qui repose toujours sur l'enquête transversale Unono Wa Maore, estime à 38,4 % la prévalence de l'HTA chez les adultes (cette fois, sans distinction entre les sexes), voire 48 % chez les 30-69 ans. Soit toujours des taux élevés par rapport à 2008 (44 % chez les 30-69 ans) et supérieurs à ceux de la métropole (30 % en 2015). Parmi les facteurs de risque : l'obésité (75 % des hypertendus sont au moins en surpoids, surtout chez les plus jeunes), le diabète (13 %), l'inactivité professionnelle (69 %). Sans oublier l'âge (de 19,2 % chez les 18-29 ans à 83,2 % chez les 60-69 ans, avec 40 % d'hypertendus qui ont moins de 40 ans). Les auteurs soulignent en outre une augmentation de 12 points de la prévalence de l'HTA chez les femmes en une décennie, liée à la hausse de l'obésité.

La connaissance du diagnostic d’HTA, ainsi que son traitement et son contrôle restent insuffisants : un hypertendu sur deux ne connaît pas son diagnostic, trois sur quatre ne sont pas traités et seulement un sur cinq est contrôlé.

Obésité inquiétante chez les jeunes et les femmes

En creux, les prévalences du diabète et de l'HTA doivent alerter sur la prégnance de l'obésité à Mayotte, renseignée dans un troisième article. L'étude Unono Wa Maore montre qu'en 2019, la prévalence de l'obésité atteint 39 % chez les 15-69 ans, voire 56 % en prenant en compte le surpoids (versus 20 % d'obésité dans les autres DROM, 14 % dans l'Hexagone). Les femmes sont concernées à 64 %, versus 44 % pour les hommes, et les tendances sont défavorables, puisque la sévérité du stade d'obésité s'accroît chez les premières, tandis que le comportement des seconds rejoint celui des hommes métropolitains.

Quant aux enfants de 5 à 14 ans, si 12 % sont en surpoids, 21,6 % sont minces (versus 12 % en métropole). Plus inquiétant, 7,1 % des 3-5 ans présentent une maigreur modérée à sévère. Les auteurs observent plus largement des pratiques d'allaitement et de sevrage qui se dégradent, une trop faible consommation quotidienne de fruits et légumes (27 % de consommateurs à Mayotte contre 91 % en métropole) et de produits laitiers (25 % versus 82 % en métropole) et une prévalence de 47,2 % d’insécurité alimentaire. Par ailleurs, malgré des mesures de prévention mises en place au début des années 2000 à la suite d'une épidémie de béribéri infantile, les cas de carence liée à un déficit en thiamine (vitamine B1) persistent, notamment chez les femmes enceintes. En cause : une alimentation constituée en majorité de riz blanc et d’apports glucidiques importants.

Un faible recours aux soins

Enfin, une dernière étude Insee/ARS de Mayotte (DOM EHIS) rapporte que près de la moitié des habitants ont reporté (voire renoncé à) un soin dont ils avaient besoin en 2019 (45 % versus 29 % dans les autres DROM et en métropole), pour des raisons financières ou par découragement face aux délais d'attente. Les auteurs notent un moindre recours aux soins qu'en métropole : seulement 60 % des habitants ont consulté un généraliste les 12 derniers mois versus 85 %, et 22 % un dentiste versus 57 %. Une situation qui s'explique en partie par la démographie médicale : en 2019, Mayotte comptait 54 généralistes, 36 spécialistes et 5 dentistes pour 100 000 habitants contre 139, 177 et 64 en métropole.

En guise d'alternative, un tiers des Mahorais, notamment les plus pauvres, se tournent vers les centres publics (dispensaires), dont les consultations sont gratuites pour les personnes couvertes par la Sécurité sociale, les enfants et les femmes enceintes.

Plus largement, c'est le maillage communautaire de proximité qui devrait permettre d'améliorer la prévention et la santé, commentent les auteurs de l'édito, y voyant le fondement de la démocratie sanitaire. « Face au faible niveau de littératie en prévention santé, à la désertification médicale et aux inégalités d’accès aux soins, ces groupes communautaires appuyés par l’État et les collectivités, sont à même de valoriser les capacités des personnes et des populations, particulièrement les plus vulnérables », concluent-ils.


Source : lequotidiendumedecin.fr