Durée maximale de la vie humaine

Peut-être pouvons-nous vivre bien plus que 115 ans

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Publié le 29/06/2017
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Crédit photo : AFP

En octobre 2016, un article paru dans « Nature », écrit par trois auteurs du département de génétique du collège de médecine Albert Einstein à New York, et se basant sur la durée de vie des doyens des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et du Japon depuis 1968, estimait qu’un plateau survenait dans la durée maximale de la vie humaine, qui atteignait 115 ans et ne serait pas dépassée.

Coup de tonnerre dans le ciel serein de la recherche : deux chercheurs canadiens, du département de biologie de l’université Mc Gill de Montréal réfutent totalement, toujours dans « Nature », la méthodologie utilisée par les Américains, et estiment que ce premier article ne permet pas de dire que la durée de vie maximale ne va pas continuer à augmenter. « C'est simple : nous ignorons l'âge maximal que peut atteindre l'être humain », souligne Siegfried Hekimi. « À vrai dire, si l'on extrapole à partir des données historiques d'espérance de vie maximale et moyenne dont on dispose, celles-ci pourraient encore augmenter bien longtemps. Il est impossible de prédire l'évolution de l'espérance de vie chez l'être humain ». L'espérance de vie moyenne est très variable, non seulement selon les pays mais aussi, globalement, dans le temps : au milieu du XVIIIe siècle, elle ne dépassait pas 25 ans en France, alors qu'elle atteint maintenant 80 ans. L'espérance de vie maximale semble suivre la même tendance.

Des erreurs méthodologiques

Pour les chercheurs canadiens, « la difficulté centrale de cet exercice (déterminer si la durée maximale de vie peut encore augmenter, N.D.L.R.) est d’extrapoler correctement à partir de données limitées et parcellaires ». Ils estiment que les chercheurs américains ont commis plusieurs erreurs méthodologiques. Les Américains ont en effet séparé leurs données sur les âges des doyens en deux groupes (entre 1968 et 1994 et entre 1995 et 2006), ce que récusent les Canadiens, qui s’interrogent sur le choix de cette date en particulier. Les Canadiens soulignent aussi qu’avec des données parcellaires, « malgré une tendance globale à l’augmentation, la variabilité normale peut générer des plateaux, voire une baisse, en considérant un échantillon limité. » De plus, « si les auteurs (Américains, N.D.L.R.) avaient considéré l’intervalle 1968-1980, ils auraient pu croire que la durée maximale de vie était de 111 ans, et n’augmenterait plus. » Les Canadiens soulignent enfin que les pays dont les âges des doyens ont été considérés (États-Unis, Royaume-Uni, France et Japon) ont des tailles de population, des systèmes de santé et des compositions génétiques différentes.

Le cas de Jeanne Calment

Les Américains ont bien sûr répliqué, toujours dans « Nature », pour dire qu’ils n’étaient « pas d’accord avec les arguments présentés et restaient confiants en (leurs) résultats. » « Les scénarios présentés par Hughes et Hekimi (les auteurs canadiens, N.D.L.R.) sont imaginatifs, mais pas informatifs », assènent-ils. Pour les Américains, en dépit de l’apparente tendance à l’augmentation linéaire, les données ne soutiennent une élévation de la durée de vie maximale que dans les premières années, mais plus après 1995. Ils estiment aussi que l’idée d’un plateau à 111 ans est beaucoup moins soutenue que celle d’un plateau à 115 ans, d’après leurs données, d’autant qu’il s’agit d’une durée de 20 ans, entre 1995 et 2015, et non de seulement 7 ans – les Américains considérant un intervalle à partir de 1973 et non de 1968, contrairement aux Canadiens.

Enfin, les chercheurs Américains soulignent le cas exceptionnel de Jeanne Calment (morte à 122 ans en 1997), mais aussi qu’elle est l’une des dernières doyennes de l’humanité. Le second doyen est mort en 1999 à 119 ans, et personne n’a dépassé ces extrémités depuis. Un indice supplémentaire pour les auteurs américains que la durée de vie maximale a désormais atteint un plateau…

Fabienne Rigal

Source : Le Quotidien du médecin: 9593