Dans l'attente d'un avis décisif de la HAS

Plaidoyer de spécialistes pour l'utilisation des tests prédictifs dans le cancer du sein

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Publié le 20/11/2017
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tests prdictifs

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Crédit photo : Phanie

« Les tests prédictifs génomiques permettraient d'éviter une chimiothérapie inutile dans le cancer du sein à 5 000 femmes par an en France, plaide le Pr Pascal Pujol, oncologue à Montpellier et président de la Société française de médecine personnalisée et prédictive. C'est un outil de médecine personnalisée qui s'inscrit dans une désescalade thérapeutique, ce que souhaitent de plus en plus de femmes ».

L'avis prochain de la Haute Autorité de santé (HAS) sera décisif pour l'utilisation pratique en France des signatures d'expression multigénique (SEM). La publication, initialement prévue en décembre 2017, est annoncée au 1er semestre 2018. L'analyse portera sur les 5 SEM commercialisées : Mammaprint, Oncotype DX, Prosigna, Endopredict, et Breast Cancer Index.

Un dispositif de transition

Depuis 2016, ces outils de médecine personnalisée sont financés via un dispositif particulier de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) : le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN). Conçu comme un « pilier de soutien à l’innovation », le dispositif permet une prise en charge précoce et transitoire d’actes innovants de biologie médicale, le temps de leur évaluation ultérieure par la HAS en vue d'une prise en charge par la collectivité.

« Le système d'évaluation n'est pas assez réactif, estime le Pr Pujol. C'est une énorme avancée dans les groupes à risque intermédiaire et c'est dommage de ne pas s'en servir ». Toutes les chimiothérapies ne sont pas nécessaires, justifie le spécialiste. « Environ 9 chimiothérapies sur 10 sont inutiles dans le cancer du sein, détaille-t-il. Toute la difficulté est de les identifier ».

Les marqueurs cliniques actuels sont pris en défaut. « Les signatures d'expression multigénique (SEM) sont en capacité d'éclairer, au moment du diagnostic, de la non-utilité d'une chimiothérapie pour certaines situations, explique Pascal Pujol. Aujourd'hui, avec le système actuel, l'utilisation est limitée à deux circonstances : en cas de doute en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) et lors d'une demande forte de la patiente à ne pas prendre de chimiothérapie. Si dans la majorité des cas, cela est possible, on a parfois des surprises, dans 5 % des cas, la signature incite à l'inverse à la prudence. »

De grandes études prospectives

Jusqu'à présent, l'Institut national du cancer (INCa) n'a pas recommandé l'utilisation en pratique, avec deux avis scientifiques négatifs en 2009 et en 2013. « Le niveau de preuve n'était pas suffisant, explique Pascal Pujol. Pour valider un marqueur biologique, le gold standard c'est l'étude prospective, les études randomisées ne suffisent pas. Cette exigence scientifique est justifiée compte tenu de l'engagement aussi fort pour la santé des patientes et sur le plan économique. Mais cela demande du temps. »

La donne a aujourd'hui changé, estime le Pr Pujol. Deux études prospectives majeures chez 6 000 à 7 000 femmes à travers le monde viennent conforter l'intérêt de Mammaprint et d'Oncotype DX, à savoir respectivement les études MINDACT et TAILORx, dont la HAS attend les derniers résultats pour se prononcer.

« Le message n'est pas de faire des SEM à toutes les femmes, précise le spécialiste. Les indications sont définies, c'est le groupe des femmes dans les risques intermédiaires. Les SEM permettent d'identifier certaines situations où les femmes ont un risque d'évolution défavorable très faible. C'est une désescalade de 15 % de la prescription globale des chimiothérapies. C'est un gain à la fois personnel et économique ». En France, il y a près de 30 000 cancers du sein traités par chimiothérapie par an. 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9620