Pr Catherine Racowsky (ASRM) : « La GPA ne concerne que 200 grossesses par an aux États-Unis »

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Publié le 25/11/2019
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Alors que l'assistance médicale à la procréation (AMP) n'est pas réglementée aux États-Unis, quelles sont les pratiques Outre-Atlantique ? « Le Quotidien » a rencontré la présidente de la société américaine de médecine reproductive, la Pr Catherine Racowsky, gynécologue à Harvard, en visite à l'hôpital Foch (Suresnes).

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Vous êtes en visite à Suresnes pour renforcer vos collaborations avec le service du Pr Jean-Marc Ayoubi et mener des réflexions communes sur l'assistance médicale à la procréation (AMP), autour de la prise en charge et des techniques innovantes. En France, l'AMP est au cœur de la révision de la loi de bioéthique, en cours d'examen au Sénat. Alors que les pratiques sont strictement encadrées chez nous, qu'en est-il aux États-Unis ?

Pr RACOWSKY : L'American Society for Reproductive Medicine (ASRM) diffuse des recommandations, et une réflexion éthique est menée par un comité dédié. Mais l'AMP ne fait l'objet d'aucune loi ou réglementation gouvernementale. Ce qui fait qu'aucune pratique n'est interdite. Par exemple, l'AMP est ouverte à tous, sans discrimination.

Les dons de gamètes permettent-ils de répondre à la demande ?

Il existe des banques de sperme et d'ovocytes. Pour le sperme, la banque permet de répondre aux besoins. Concernant les ovocytes, la procédure est plus complexe. Et si les dons d'ovocytes peuvent être rémunérés jusqu'à 10 000 dollars, la banque ne suffit pas à répondre à toutes les demandes. Certains couples font le choix de se tourner vers une proche pour avoir des ovocytes.

En France, le diagnostic pré-implantatoire (DPI) des embryons conçus par fécondation in vitro n'est autorisé qu'en cas de risque élevé de maladie génétique grave. La révision de la loi de bioéthique ne prévoit pas d'élargir son accès. Qu'en est-il aux États-Unis ?

Dans environ 40 % des cas, un diagnostic génétique de l'embryon est réalisé pour détecter les aneuploïdies (NDLR : le nombre anormal de chromosomes). Il est évident qu’à partir de 38 ans et/ou chez les patientes qui ont plus de 3 échecs de fécondation in vitro ou plus de 2 grossesses arrêtées, le taux d’anomalies chromosomiques plus élevé est responsable de ces échecs et pourrait entraîner une perte de chances et de temps pour ces patientes. Le diagnostic génétique préimplantatoire peut être proposé dans ces indications d’autant que les méthodes non invasives c'est-à-dire sans biopsie de l’embryon sont actuellement en plein développement, c’est sur ces techniques non invasives que nous travaillons actuellement.

Cette possible sélection génétique est-elle à l'origine de dérives ?

Certains centres répondent à des demandes qui sortent du cadre médical, en particulier concernant le choix du sexe. Mais les recommandations de l'ASRM n'encouragent pas ces pratiques, qui restent marginales. Le but est de prendre en charge des problèmes de fertilité, non de répondre aux souhaits spécifiques de chacun.

La gestation pour autrui (GPA) reste interdite en France. Aux États-Unis, cette pratique est-elle répandue ?

La GPA est pratiquée depuis plus de 30 ans, mais elle ne concerne que 200 grossesses par an. Beaucoup de demandeurs viennent de l'étranger. À noter que plusieurs publications ont évalué l'impact de cette pratique sur les enfants, sans mettre en évidence de problèmes particuliers.

Les indications sont multiples, mais beaucoup concernent des femmes n'ayant pas ou plus d'utérus.

La greffe utérine se développe également pour apporter une solution à ces femmes sans utérus. En France, la première greffe a été réalisée en mars par l'équipe de Foch. Aux États-Unis, déjà plusieurs enfants sont nés après le recours à cette technique.

Effectivement, trois enfants sont déjà nés, et deux grossesses sont en cours. Cinq équipes américaines développent cette technique, aussi bien à partir de donneuses vivantes que décédées. Notre équipe travaille sur ce projet de greffe utérine et nous souhaitons collaborer avec l’équipe du Pr Ayoubi sur ce sujet.

Lors de son audition au Sénat dans le cadre de la loi de bioéthique, le Pr Ayoubi a pointé les lacunes en France de la prévention de l'infertilité. L'ARSM mène-t-elle des campagnes de sensibilisation ?

En 2018, l'ASRM s'est associée à l'organisation non gouvernementale (ONG) Resolve pour mettre en œuvre des mesures de prévention visant à informer sur l'importance d'un mode de vie sain pour préserver la fertilité comme l'alimentation, le tabagisme ou encore l'activité physique.

Propos recueillis par Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin