Pr Jacques Marescaux : « Les CHU ont besoin de cinq amendements »

Publié le 12/05/2009
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LE QUOTIDIEN – Mettons les pieds dans le plat : votre première proposition vise à « renforcer la dimension universitaire et médicale de la gouvernance des CHU ». Cette philosophie n’est-elle pas opposée à celle que le projet de loi HPST réserve, au grand dam de leurs praticiens, aux centres hospitaliers ?

PR JACQUES MARESCAUX – Non, ce n’est pas une contradiction. C’est un sujet sur lequel nous avons travaillé avec le cabinet de Roselyne Bachelot et avec la ministre. Avant, ce questionnement n’existait pas, il n’y a d’ailleurs rien dans le titre I de la loi sur les CHU, mais à l’arrivée, tout le monde est tombé d’accord. Nous avons bien montré à la ministre les comparaisons internationales que nous avons pu faire sur cette idée. À Utrecht, à Harvard, à Stanford… dans tous ces très grands hôpitaux, partout, une médicalisation et une universitarisation de la décision sont à l’œuvre. À la tête d’un CHU, il ne peut pas y avoir seulement un gestionnaire. Ceci étant, il est certain que le fait que la loi ait déjà été discutée à l’Assemblée nationale ne nous facilite pas la tâche.

Vos propositions vont être intégrées à la loi Bachelot en cours d’examen par le Parlement. Que pensez-vous de cette situation ?

Élaborer une autre loi pour les seuls CHU serait, pour le coup, aberrant. J’ajoute que d’un point de vue législatif, les CHU ont besoin de cinq amendements. Tout le reste peut se faire par voie réglementaire.

Dans votre rapport, vous signez la fin des pôles en CHU. Pourquoi ?

C’est un clin d’œil, les structures que nous proposons peuvent continuer à s’appeler « pôles » mais il se trouve que les pôles, tels qu’ils existent aujourd’hui, ont beaucoup trop souvent été constitués pour de mauvaises raisons, par affinité de deux ou de trois chefs de service, par exemple. Or un pôle – un département, disons-nous – ne peut marcher en CHU que s’il peut assurer les trois missions de soins, de recherche et d’enseignement.

Vous souhaitez revaloriser les carrières des hospitalo-universitaires et insistez en particulier sur la nécessaire hausse de la rémunération des PU-PH ? Est-ce dans l’air du temps ?

Au moment où nous avons évoqué cette question dans le cadre de la mission, je me souviens que moi-même, j’avais dit en tant que président que ce n’était « pas le moment ». Du reste, ce souhait n’est pas l’élément prioritaire de notre rapport. Mais crise ou pas crise, cela fait au moins vingt ans que le statut actuel des hospitalo-universitaire qui n’ont pas d’activité libérale n’a rien à voir avec celui de leurs collègues européens. Si nous voulons que nos CHU soient attractifs, il faut que les rémunérations y soient à la hauteur.

Diriez-vous que votre rapport coûte cher à mettre en œuvre ?

Pas obligatoirement. Certes, nous demandons par exemple la revalorisation des actes spécifiques des CHU, en particulier les actes de haute technicité, qui durent 1 heure ou 1 heure 30 et mobilisent trois ou quatre intervenants. Pour ces actes aujourd’hui (qui représentent 5 % de l’activité d’un CHU mais 20 % de son budget), une seule personne est rémunérée, il n’est pas étonnant que dans ces conditions, l’hôpital fasse faillite !

Ceci étant, en terme de coût global, non seulement je ne crois pas que mon rapport coûte cher mais je pense même l’inverse. Revenons aux hôpitaux étrangers que je citais précédemment. Tous affichaient un déficit tournant autour de 30 milliards de dollars ou d’euros jusqu’au jour où il a été décidé d’en médicaliser la gouvernance. À partir de là, comme par hasard, ils n’ont plus été déficitaires. Utrecht, par exemple, c’est 250 millions d’euros de bénéfice, cash !

Quel avenir espérez-vous pour vos propositions ?

Qu’elles ne soient pas mises dans un placard ! Nous avons travaillé pendant quatre mois pour élaborer ce rapport technique. J’ai énormément appris, tout le monde s’est passionné. À l’échelle mondiale, nos CHU ont aujourd’hui un niveau de soins exceptionnel. Le gros problème, ce sont les soins qu’ils dispenseront demain et pour plusieurs générations et c’est pour y répondre que nous devons investir dans la recherche biomédicale !

 PROPOS RECUEILLIS PAR K.P.

Source : lequotidiendumedecin.fr