Prélèvement multisources, 150 IPA, 210 millions d'euros de plus ... : un 4e plan greffe pour donner un nouveau souffle à la filière

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Publié le 14/03/2022

Crédit photo : PHANIE

Alors que le 3e plan 2017-2021 n'est pas parvenu à atteindre l'objectif fixé de 7 800 greffes, en raison de la crise liée au Covid mais aussi de causes plus structurelles, un 4e plan greffe 2022-2026 entre en vigueur ce 15 mars, qui se veut « innovant, ambitieux, réaliste et financé », selon les termes de l'Agence de la biomédecine (ABM). Et pour lequel sont prévus 210 millions d'euros de mesures nouvelles.

La crise sanitaire, qui a fragilisé l'organisation de la filière, a en effet fait chuter de 25 % l'activité de greffe en 2020, par rapport à 2019 (soit un retour à 2006) ; et si l'activité est repartie à la hausse en 2021 (+ 19,3 % par rapport à 2020), elle ne parvient pas à retrouver les niveaux d'avant Covid… eux-mêmes assez disparates, puisque 2018 avait été marquée par un ralentissement significatif.

« C'est un plan de rupture financé sur cinq années, avec des objectifs quantitatifs élevés et des méthodes nouvelles pour accompagner les personnes vers la greffe », résume le ministère de la Santé.

Objectif 2026 : entre 6 760 et 8 530 greffes, issues de multiples sources

Alors que le 3e plan fixait un objectif unique de 7 800 greffes à atteindre, son suivant opte pour un éventail de trajectoires, avec une fourchette basse de 6 760 greffes et une fourchette haute de 8 530 greffes, en 2026. « Ces trajectoires visent à tenir compte du fait qu'indépendamment de l'engagement des équipes, plusieurs facteurs exogènes peuvent avoir un impact négatif sur l'activité de greffe, comme la pression hospitalière lors d'une épidémie ou des difficultés de recrutement lié au déficit de l'attractivité des métiers du soin », explique l'ABM.

Pour y parvenir, le plan entend développer les prélèvements multisources pour contrecarrer la baisse tendancielle du nombre de sujets en état de mort encéphalique (liée à une meilleure prise en charge des AVC et à une moindre mortalité routière). Concrètement, cela signifie poursuivre le déploiement des protocoles de prélèvement sur donneurs décédés après un arrêt circulatoire (Maastricht 3), pour qu'ils représentent 15 % des greffes en 2026. Le plan prévoit aussi de débuter le prélèvement cardiaque sur ces donneurs - comme le recommande l'Académie de médecine.

Il s'agit aussi d'intensifier le recours aux donneurs vivants pour les greffes rénales, jusqu'à 20 % contre 16 % aujourd'hui en France (vs 42 % en Grande-Bretagne et 53 % aux Pays-Bas). Et de développer les prélèvements pédiatriques (pour que les besoins des enfants soient couverts par des organes d'enfants et non de jeunes adultes), notamment en réfléchissant à une transposition du protocole Maastricht 3. Quant à l'objectif de donneurs prélevés en état de mort encéphalique, il se situe entre 1 643 et 2 084 en 2026.

« Assumer un prélèvement multisources, c'est affirmer une spécificité française, alors que nos voisins européens opèrent un choix entre donneurs vivants ou décédés », souligne l'ABM.

À noter, le plan préconise de recourir aux machines à perfusion rénale et hépatique et d'évaluer l'intérêt clinique de la réhabilitation des organes cœur et poumon. Il vise aussi à réduire les délais d’ischémie froide (de moins de 10 heures pour le rein en 2026), à réduire le nombre de greffons prélevés non greffés, et à accompagner les greffes innovantes (comme la greffe d’îlots de Langerhans).

IPA, financements et labels

Autre levier d'action de ce quatrième plan, 150 infirmiers en pratique avancée (IPA) devront être mobilisés d'ici à 2026 pour renforcer les équipes, notamment pour accueillir les donneurs et leurs familles et assurer le suivi des greffés. La formation des professionnels des coordinations hospitalières de prélèvement sera renforcée, tandis que les audits seront systématisés.

En outre, les modalités de financement seront revues pour renforcer l'attractivité de la filière et les subventions fléchées, en toute transparence. Des indicateurs de performances seront introduits pour « favoriser l'émulation entre les équipes et mobiliser les directions ». À la clef : un label ou une gratification symbolique de l'ABM pour récompenser les plus vertueux.

210 millions pour les mesures nouvelles

Enfin, comme le demandait notamment le Collectif Greffes +, l'échelon régional du pilotage sera renforcé avec la nomination d'un référent dans les agences régionales de santé (ARS) et l'ambition d'adapter les mesures au contexte local, avant même la fin du plan.

La mise en œuvre des mesures nouvelles de ce 4e plan sera financée à hauteur de 210 millions d'euros sur cinq ans (en se fondant sur l'hypothèse d'une augmentation des greffes à mi-chemin de l'éventail). « Au total, en comptant les financements actuels de ce qui existe déjà, l'activité de prélèvement et de greffes représente 2 milliards d'euros de dépenses pour l'Assurance-maladie », précise l'ABM.


Source : lequotidiendumedecin.fr