Prévention du suicide : des dispositifs qui s'étoffent, alors que les idées et gestes suicidaires augmentent

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Publié le 03/02/2023

Crédit photo : Voisin/Phanie

À l'occasion de la Journée mondiale consacrée à la prévention du suicide, ce 5 février, et alors que le taux de suicide en France reste l’un des plus élevés des pays européens, le ministère de la Santé insiste sur l'importance d'oser parler de la souffrance psychique, d'autant que des dispositifs d'aide et d'écoute existent.

Des lignes d'écoute

Depuis octobre 2021, existe un numéro national, gratuit et accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 : le 3114. Il vise à apporter une réponse immédiate aux personnes en détresse psychique et à risque suicidaire, à leur entourage, aux endeuillés, ainsi qu'aux professionnels qui souhaitent des conseils spécialisés. Quatre centres supplémentaires ont ouvert en 2022, portant leur effectif total à 15, avec derrière le combiné, plus de 150 infirmiers et psychologues spécifiquement formés et sous supervision d'un psychiatre. Depuis l'ouverture, le 3114 a reçu 235 000 appels cumulés (versus 34 000 au dernier pointage, en février 2022).

À titre d'exemple, l'un des derniers ouverts est le centre de réponse de Paris, qui peut orienter les appelants vers des ressources locales entre 9 heures et 21 heures (hors cette plage horaire, les appels sont redirigés vers le centre du CHU de Lille). Localisé au sein du Samu de Paris de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, le centre est un groupement de coopération sanitaire (GCS) réunissant l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) et le groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris psychiatrie & neurosciences.

Parallèlement au 3114, deux autres numéros existent, ciblés sur les jeunes : le Fil Santé Jeunes 0 800 235 236, pour le 12-25 ans, et Nightline (dont les numéros diffèrent selon les villes), ligne d'écoute par et pour les étudiants, qui propose notamment un « kit de vie » et des outils pour prendre soin de sa santé mentale.

Du repérage au soin

La prévention du suicide repose aussi sur le déploiement de sentinelles formées, c’est-à-dire des volontaires qui, au sein d'une communauté, ont des qualités d'écoute et peuvent repérer des personnes en souffrance et les orienter (il ne s'agit pas de les évaluer, ni encore moins les prendre en charge). Un modèle bien présent dans le monde agricole et qui essaime dans la police, l'université…

Se déploient en outre des formations de secouriste en santé mentale, qui misent aussi sur la société civile pour promouvoir la santé mentale en population générale. Sans oublier le programme Papageno de lutte contre la contagion suicidaire dans les médias et les réseaux sociaux, à travers une information basée sur les mots justes.

Quant à la prévention secondaire, elle repose essentiellement sur le dispositif VigilanS, expérimenté depuis 2015 dans le Nord-Pas-de-Calais et étendu désormais dans 17 régions et 92 départements. Il consiste à maintenir le lien avec une personne ayant fait une tentative de suicide, à travers différentes méthodes de recontact selon le profil.

Dégradation de l'état de santé mentale, en particulier des jeunes

Si la prévention du suicide est affichée comme une priorité gouvernementale depuis 2018 (à travers la feuille de route santé mentale et psychiatrie de 2018, revue en 2021), Santé publique France (SPF) constate une dégradation continue, depuis l'automne 2020, du mal-être des jeunes. Cela se traduit par une augmentation des passages aux urgences pour idées et geste suicidaires et des hospitalisations pour tentatives de suicides (TS), notamment chez les jeunes filles de 10 à 24 ans. Une tendance qui s'est poursuivie en 2021 et accentuée début 2022, même si, du moins jusqu'à mars 2021 (période étudiée), aucun retentissement n'a été observé sur la mortalité par suicide, celle-ci n'ayant pas augmenté. « Mais cela pourrait évoluer par la suite », lit-on.

De fortes disparités régionales existent. Ainsi le Nord-Ouest semble particulièrement frappé par les idées et gestes suicidaires, notamment les Hauts-de-France et la Bretagne, qui cumulent la plus forte part d'activité de passages aux urgences pour gestes et idées suicidaires (au-dessus de 7 pour 100 000 passages par an) et le plus fort taux d'hospitalisations pour TS (plus de 200 pour 100 000 habitants par an). La région Pays-de-la-Loire les rejoint pour les passages aux urgences ; et la Normandie, pour les hospitalisations. À l’inverse, l'Île-de-France et la Corse se distinguent par des taux très faibles. Quant à la mortalité par suicide, les taux varient de 7 pour 100 000 habitants en Île-de-France à près de 22 en Bretagne, talonnée par les Hauts-de-France, la Normandie, les Pays-de-la-Loire, et même le Centre-Val de Loire.

« Si le mal-être des jeunes est préoccupant, il n'en demeure pas moins que la majorité des décès par suicide concerne les adultes de plus de 40 ans, majoritairement des hommes (trois fois plus que les femmes), et que les taux les plus élevés de suicide sont constatés chez les seniors de plus de 75 ans, suivis par les adultes de 45 à 59 ans », remet en perspective la Pr Laetitia Huiart, directrice scientifique de SPF.


Source : lequotidiendumedecin.fr