Psychiatrie et prison : une mission propose de créer 150 nouvelles places en UHSA

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Publié le 28/02/2020
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Crédit photo : AFP

Il était réclamé et attendu depuis longtemps. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale de la justice (IGJ) viennent de rendre public leur bilan de la construction de la première tranche des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). 

Instaurées par la loi de 2002, ces structures, sises dans les établissements de santé, sont destinées à accueillir des détenus souffrant de pathologies psychiatriques et nécessitant une hospitalisation, à leur demande ou par décision préfectorale. Concrètement, neuf unités de 40 ou 60 places, représentant 440 places au total, ont vu le jour entre 2010 et 2018. Quoique considérées comme une avancée en matière de prise en charge, elles ne manquent pas de concentrer les critiques, notamment parce qu'elles semblent entériner la présence de malades psychiques en prison. La deuxième tranche des UHSA, dont la réalisation a été réaffirmée dans la feuille de route 2019-2022 du gouvernement, était conditionnée aux propositions de ce rapport de l'IGAS et de l'IGJ. 

Île-de-France, PACA, et Occitanie en priorité  

Les inspections proposent la « création prioritaire de 150 places » dans les régions Île-de-France, où la situation critique impose d'ouvrir une nouvelle unité de 60 places, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie, où les besoins croissants nécessitent 40 places supplémentaires, et Normandie, (40 places aussi) dépourvue d'UHSA. 

La création éventuelle de 20 à 40 places supplémentaires en Bourgogne-Franche-Comté doit aussi être étudiée, lit-on. 

Puis la mission propose que le reste des moyens prévus pour la construction d'autres UHSA ne soit mobilisé qu'après un travail de planification et d'harmonisation. Ceci afin d'éviter l'hétérogénéité qui a marqué la première tranche des UHSA, en termes de conception architecturale, pratiques médicales, et fonctionnement général.

Réfléchir au secret médical et aux soins somatiques  

Parmi les points de vigilance, l'IGAS invite à réfléchir aux modalités d'une information partagée conciliant intérêt du patient et prévention de sa potentielle dangerosité. La mission rappelle que le secret médical est une obligation absolue et que son respect est d'autant plus important, face à des personnes sous main de justice, que sa levée risque de conduire les soignants à se faire « auxiliaires de la peine ». « Tout l'enjeu est donc de pouvoir donner des indications utiles sans contrevenir à la confidentialité qui les lie à leur patient », lit-on.

Observant une sur-morbidité somatique chez les détenus accueillis en UHSA, la mission plaide pour une meilleure prise en charge somatique, via le déploiement de la télémédecine dans ces structures et la mise en place d'un plateau technique minimum (offrant des soins dentaires, notamment). En 2017, une seule UHSA avait un généraliste à temps plein, et aucune n'avait de fauteuil dentaire. 

Elle suggère de renforcer la présence des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) dans les UHSA, afin que l'hospitalisation ne vienne pas interrompre des démarches (préparation du projet de sortie, par exemple) engagées en prison - un problème que le Contrôleur général des lieux de prévention de liberté avait déjà dénoncé.  

Renforcer l'offre sanitaire 

Plus largement, les inspections dénoncent l'insuffisance globale de l'offre de soins, eu égard à la population carcérale en souffrance psychique. 

« Les nouvelles places d'UHSA programmées – 265 – ne pouvant corriger l'insuffisance globale de l'offre, il faut donc réfléchir à des solutions complémentaires aux UHSA, moins coûteuses (le coût d'investissement pour une unité de 40 lits est de 12,5 millions d'euros, et de 17 millions d'euros pour 60 lits) », lit-on. 

La mission préconise de redéployer une partie des crédits vers certains établissements publics de santé mentale pour créer des unités sanitaires spécialisées dans l'accueil de détenus, et vers les 26 services médico-psychologiques régionaux existants. Elle incite à limiter les hospitalisations en UHSA en renforçant les moyens des Unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP). 

Quoiqu’à contre-courant des velléités de revoir l'irresponsabilité pénale pour motifs psychiatriques, la mission encourage le développement des alternatives à la détention des personnes souffrant de graves troubles mentaux et des aménagements et suspensions de peine, des dispositifs aujourd'hui sous-utilisés.  

Enfin, elle recommande l'organisation, par la HAS, d'une conférence de consensus sur les bonnes pratiques du soin en prison. Et de conclure sur un rappel de la mission du service public de santé mentale : « La prise en charge de personnes détenues à un moment de leurs vies mais qui ont vocation à revenir dans la société. » 


Source : lequotidiendumedecin.fr