Quand le ministre de l’Intérieur veut « collaborer » avec les psychiatres pour repérer les terroristes

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Publié le 22/08/2017

Suite à l’attentat survenu à Barcelone jeudi 17 août, Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, a annoncé au micro de RTL qu’il explorait la piste d’une collaboration avec les services psychiatriques et psychiatres libéraux pour « repérer » les terroristes potentiels. « On a deux types d’attaques aujourd’hui : des attaques planifiées et des gens qui se radicalisent brutalement, avec souvent des profils psychologiques extrêmement troublés. Nous sommes en train de travailler avec ma collègue ministre de la Santé pour essayer de repérer l’ensemble de ces profils qui, demain, peuvent passer à l’acte et donc mobiliser l’ensemble des hôpitaux psychiatriques, des psychiatres libéraux, de manière à parer à cette menace terroriste individuelle », a-t-il dit. Il s’agirait d’avoir « des protocoles, quand un certain nombre de gens ont des délires autour de la radicalisation islamique, pour pouvoir avoir des échanges avec celles et ceux qui les côtoient ».

Secret médical et place du psychiatre

La question du secret médical vient d’abord à l’esprit. Le Conseil de l’Ordre avait présenté en janvier 2017 un rapport sur cette question spécifique du « risque terroriste et du secret professionnel du médecin ». Ce rapport rappelait entre autres les « dispositions législatives de nature à permettre au médecin de déroger à son obligation de secret professionnel », clarifiait ces dérogations et l’Ordre assurait « de son soutien et de son accompagnement tout médecin qui, devant une situation personnelle particulière, aurait pu, en toute bonne foi, s’estimer libéré de son obligation de secret en application de ces textes et serait néanmoins regardé comme ayant manqué à ses obligations et ferait l’objet de poursuites. » Il insistait cependant sur le fait que « la radicalisation ne doit pas être confondue avec le fondamentalisme religieux (islam rigoureux ou salafiste quiétiste) qui est une pratique qui adopte des postures cultuelles rigoureuses mais ne recourant pas à la violence ». Ce rapport présentait plusieurs situations (confidences d’un tiers, patient mineur ou majeur radicalisé, demandes d’informations de la part des autorités) et concluait que « la préservation du secret doit rester un principe fondamental de l'exercice professionnel. Il ne paraît pas souhaitable de rajouter de dérogations légales à celles déjà existantes ».

Mais le rôle du psychiatre tel que le voit le ministre de l’Intérieur est aussi remis en cause par certains. Le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML (Union française pour une médecine libre) twittait ainsi « Mobiliser les psychiatres pour dépister les terroristes : qd la bêtise le dispute à la lâcheté et l'incompétence, vous nous faites honte ».

Et le Dr David Gourion (psychiatre libéral, ancien chef de clinique à l'hôpital Sainte-Anne) soulignait dans une tribune parue dans le Monde que « le lien entre maladie mentale et terrorisme n’est pas avéré », que « la loi sur le secret médical n’est pas compatible avec la mise en place d’une « collaboration » entre psychiatres et services de police » et concluait que « plutôt que de chercher les terroristes chez nos patients en souffrance, les responsables politiques feraient mieux de nous aider à battre en brèche les stéréotypes stigmatisants que véhicule la société sur la maladie mentale ».


Source : lequotidiendumedecin.fr