Droite et gauche s’affrontent sur l’immigration

À qui profite la crise

Publié le 14/09/2015
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le FN, cependant, tombe à bras raccourcis sur Nicolas Sarkozy. Marine Le Pen décèle une « folie » dans l’idée de l’ancien président de créer une catégorie de « réfugiés de guerre ». Elle remarque qu’il y a quantité de pays en guerre et qu’adopter ce principe revient à augmenter le flot des immigrés en France. Chez tous ceux qui, à droite, s’inquiètent de cette vague migratoire considérable, l’argumentation n’est pas nulle. Le problème vient des solutions envisagées, qui ne sont pas crédibles : en attendant de réviser les accords de Schengen, il faut bien prendre des mesures d’urgence. La gauche au pouvoir a compris que le pays ne pouvait pas céder à l’indifférence ou à la cruauté, ce qui ruinerait sa réputation. Les limites qu’elle fixe à son effort ne sont pas pour autant convaincantes.

Il ne faut pas s’y tromper : à écouter les porte-parole, on voit clairement que la crise migratoire se transforme en un combat électoral interne. La gauche fait tout ce qu’elle peut pour assimiler les thèses de M. Sarkozy à celles du Front. Elle voit dans l’affaire une excellente occasion pour abîmer l’image de l’ancien président. Lequel, par des propos parfois alambiqués, a voulu concilier un minimum d’humanisme avec son désir de reprendre une partie de son électorat au Front. Cela produit un mélange bien peu crédible. Ce n’est pas lui, en tout cas, si l’on en croit les sondages et les commentaires, qui gagne quoi que ce soit à la crise. Mais est-ce Marine Le Pen ?

Violence verbale

La présidente du Front national s’est insurgée avec une violence verbale rare contre le gouvernement. Elle vient de démontrer, par de multiples interventions publiques, qu’elle est bien la fille de son père, celui-là même qu’elle tente d’écarter des instances du FN et dont elle dit que ses idées sont périmées, anachroniques, nuisibles à la progression du Front. Avec ses positions extrêmement dures contre l’immigration, elle vient de donner un coup de barre à l’extrême droite qui la replace dans le cadre historique de son parti, intolérant et xénophobe. On dira, bien sûr, que la gauche fait le chemin inverse et qu’elle retombe dans un angélisme plus qu’imprudent. Le sort des migrants ne sera pas amélioré par une compassion dénuée de moyens, pas plus en tout cas qu’il ne le sera par un rejet brutal.

C’est fou ce que la photo d’un enfant mort noyé peut faire. Avant cette image, il n’y avait pratiquement plus personne en France pour souhaiter l’ouverture des frontières à tous les damnés de la terre. Après elle, le camp des humanistes s’ets renforcé. Le mouvement n’est peut-être pas durable. Mais, pour le moment (et pardonnez-moi certains termes peu adaptés à cette crise humanitaire), il est de bon ton d’ouvrir les bras aux Syriens et aux Irakiens qui arrivent sur les côtes européennes. Du coup, la position de Mme Le Pen n’aura pas manqué de choquer une partie de l’opinion, encore sous le coup de l’émotion, et dont la générosité est indiscutable puisque de nombreuses familles françaises hébergent déjà des réfugiés. Ce n’est plus « tendance », en quelque sorte de voter FN, alors que, depuis l’aggiornamento du Front décidé par Marine Le Pen et par Florian Philippot, il était devenu licite de leur apporter des voix et de défendre leurs idées. On verra bien ce qui se passera aux élections régionales. Mais il ne semble pas que le Front ait beaucoup à gagner de la tension que crée en France l’arrivée massive de migrants.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Médecin: 9432