Vaine bataille idéologique

Réformes : la droite non plus ?

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Publié le 19/05/2016
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Réformes : la droite non plus ?

Réformes : la droite non plus ?
Crédit photo : AFP

On peut donc s'attendre, d'ici à mai 2017, à des débats sans fin sur les orientations des candidats. A droite, ils se disputeront sur des nuances alors que leurs différents plans convergent sur l'essentiel : une baisse massive des charges qui pèsent sur les salaires, une hausse de la TVA pour financer cette baisse, une réduction drastique de la dépense publique, notamment par le non remplacement partiel des fonctionnaires partant à la retraite, la retraite à 65 ans, la suppression de l'ISF et la remise en cause de la semaine des 35 heures. Les chiffres varient d'un candidat à l'autre, mais la philosophie est la même. Elle est d'essence libérale, ce qui suffit à réunir dans une colère, cette fois consensuelle, tous les éléments de la gauche, celle qui gouverne et celle qui passe son temps à protester. Mais ce qui arrive à la gauche aujourd'hui arrivera demain à la droite si elle est au pouvoir. Ce qu'on entend à Nuit debout et ce que l'on voit des violences urbaines suffit à montrer qu'une réforme est à peine conçue en France qu'elle soulève une bonne partie du peuple.

Un président conservateur disposant d'une forte majorité ne fera pas plus la pluie et le beau temps qu'un président socialiste. Il est vrai que François Hollande a fait des promesses qu'il a été incapable de tenir et que ce ne sera pas le cas avec un président de droite, qui aura largement informé le peuple français de ses intentions avant d'en faire des lois. Mais ce n'est pas parce que la gauche sera minoritaire (elle l'est déjà dans les sondages d'opinion) qu'elle acceptera avec résignation ce qu'elle rejette en ce moment avec violence et qui ne représente, pourtant, qu'une faible partie du programme que l'opposition actuelle prépare pour le pays. MM. Juppé, Sarkozy et Fillon nous disent qu'ils iront très vite, qu'ils se donnent cent jours pour changer la France, qu'ils procèderont par ordonnances. Pas sûr néanmoins que le « peuple de gauche », même s'il est sonné par sa défaite, laissera au prochain président le loisir d'agir à sa guise.

L'expérience de Hollande sert de leçon

Il suffit de voir ce qui se passe en ce moment à propos de la loi travail : grèves dans tous les secteurs, manifestations d'une violence sans précédent dans plusieurs grandes villes et pas seulement à Paris, jeunes très remontés, syndicats en colère. On va voir si le gouvernement Valls réussira à tenir le choc, à ramener le calme dans les villes, à appliquer la loi malgré l'aversion qu'elle inspire. Mais si un gouvernement de gauche a très peu d'emprise sur la population, un pouvoir de droite ne l'aurait pas davantage. Certes, il insisterait sur une légitimité fraîchement sortie des urnes et sur la mise de la gauche en minorité, mais le rejet d'une politique de rigueur est tel que les règles du jeu habituelles risquent de ne pas être comprises. En tout cas, le quinquennat actuel aura servi de leçon : droite ou gauche, tout le monde s'en moque et, si un recours au 49/3 peut déclencher un tel charivari, on vous laisse imaginer ce qui se passerait en France avec la mise en œuvre d'un programme d'inspiration libérale qui, en outre, s'attaquerait, par la force des choses, à des catégories professionnelles, fonctionnaires ou cheminots par exemple, grands défenseurs du statu quo devant l'éternel.

Cela signifie que le meilleur programme sera certes celui qui libèrera la société française de ses blocages mais celui, aussi, qui sera appliqué sans déclencher une révolution. Pour ce tour de force, il faut un homme capable d'obtenir l'adhésion d'une majorité de Français à ses idées, de les rassurer et de faire en sorte que les résultats de ses efforts arrivent avant que des émeutes écourtent son mandat.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9497