Humeurs

Santé mentale des jeunes : changer de regard pour retrouver de l'espoir

Publié le 19/02/2021
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PAR EMMANUELLE QUILÈS - Dépression, phobies, troubles anxieux… Les motifs de préoccupation s'accumulent concernant l'état actuel des Français. Et la crise sanitaire n'a rien arrangé à la situation, en particulier chez les jeunes. Mais les pistes en matière de recherche, les progrès dans la déstigmatisation des patients et les perspectives ouvertes par la révolution numérique sont autant de raisons de ne pas sombrer dans le pessimisme.

Crédit photo : DR

Il y a quelques semaines, de nombreux journaux faisaient leur une sur l’état de détresse économique, sociale et psychologique dans lequel se trouvent les jeunes. Études, emploi ou vie amoureuse : la crise sanitaire les affecte dans toutes les dimensions de leur quotidien avec un fort impact sur leur santé mentale. Janssen, laboratoire dont je dirige la filiale française, est engagé dans les neurosciences depuis plusieurs décennies – notre fondateur, le Dr Paul Janssen, a synthétisé l’Haldol® en 1957. Depuis cette avancée, nous poursuivons une aventure scientifique et humaine qui nous permet d’envisager un changement de paradigme dans la prise en charge des maladies mentales.

C’est dans cet état d’esprit que, fin 2020, nous avons soutenu la réalisation d’une enquête menée par Ipsos pour la Fondation Fondamental sur la perception et la représentation des maladies mentales dans la crise sanitaire que nous traversons. Que nous apprend cette enquête ?

Elle nous montre que la détérioration de la santé mentale des Français est un fait avéré et dresse un état des lieux préoccupant, avec près d’une personne sur cinq concernée par des troubles de la santé mentale. Elle observe, par rapport à une étude comparable réalisée en 2014, une réelle progression de la proportion d’individus déclarant souffrir de dépression (14 %, +6 pts) ou de phobies et troubles anxieux (13 %, +7 pts). Plus largement, un Français sur deux estime que la crise actuelle de la Covid-19 va avoir des conséquences négatives sur sa propre santé mentale.

Cette étude se penche en particulier sur les moins de 25 ans : 40 % d’entre eux ont une suspicion de trouble d’anxiété généralisée (soit 9 points de plus que pour l’ensemble des Français). Et près des deux-tiers de ces jeunes pensent que la crise liée à la Covid-19 aura des conséquences négatives sur leur santé mentale, contre 50 % pour l’ensemble de la population française. Les jeunes ne sont pas les seuls à être touchés. Et les femmes restent plus nombreuses que les hommes à afficher une suspicion de trouble d’anxiété généralisée : 40 % contre 22 % pour les hommes.

Ce qui m’interpelle particulièrement, au-delà de ces chiffres, c’est que les Français avouent ne pas savoir grand-chose sur les structures disponibles en cas de problème de santé mentale, ni sur la conduite à tenir quand un proche est concerné ni sur les traitements existants ou la prévention. Beaucoup d’entre eux le disent : ils ne savent pas qui consulter.

Je ne peux m’empêcher de reprendre cette définition fondamentale de l’OMS pour qui « la santé mentale englobe la promotion du bien-être, la prévention des troubles mentaux, le traitement et la réadaptation des personnes atteintes de ces troubles ». Elle me fait prendre cette enquête comme une invitation à agir, un « call to action » dont nous pouvons collectivement nous saisir.

Trois pistes pour rester optimiste

En tant que dirigeante d’une entreprise engagée en santé mentale en premier lieu, je me sens responsable de proposer des pistes de solutions pour que cette situation décrite par Ipsos évolue. Mais aussi en tant que citoyenne ! Et j’aimerais porter dans ces colonnes un message d’espoir.

Mon premier message, c’est que, pendant la crise, la science continue. Nos chercheurs restent mobilisés et les investissements de Janssen dans les neurosciences se poursuivent. L’an dernier, c’est un nouveau traitement pour lutter contre la dépression résistante que nous avons mis à disposition des patients, en bénéficiant de la toute première ATU de cohorte octroyée en psychiatrie.

Mon deuxième message, c’est que nous restons mobilisés aux côtés des professionnels de santé, des patients et de leurs familles sur les enjeux de déstigmatisation, en mettant à leur service notre capacité à proposer des solutions innovantes. Nous avons par le passé développé le « Schizolab » qui permet, grâce à la technologie Oculus, d’utiliser la réalité virtuelle pour mieux comprendre le quotidien des patients atteints de schizophrénie. Sur cet enjeu sociétal majeur de la déstigmatisation, nous sommes plus que jamais déterminés à poursuivre le travail ; chacun de nous peut en devenir un ambassadeur. Nous devons tout faire pour venir à bout de cette méconnaissance – pour ne pas dire crainte ou rejet – que nos concitoyens expriment sur les maladies mentales.

Mon troisième message ne surprendra pas ceux qui me connaissent bien : il faut saisir l’opportunité que représente la révolution numérique en psychiatrie. Même si elle semble encore lointaine, elle peut contribuer à répondre à bon nombre de défis – elle l’a déjà prouvé déjà dans bien d’autres domaines.

Les jeunes nous ont jeté leur désespoir au visage, beaucoup d’autres Français souffrent, entendons-les. Ensemble, changeons de regard sur la santé mentale.

Exergue : Nous devons tout faire pour venir à bout de cette méconnaissance que nos concitoyens expriment sur les maladies mentales.

Emmanuelle Quilès

Source : Le Quotidien du médecin