Il faut refonder le système de soin en santé mentale et psychiatrie de l'enfant et l'adolescent : c'est un appel solennel à l'ensemble des élus jusqu'au sommet de l'État qu'ont lancé les professionnels du secteur, le 2 juin à Toulouse. Les signataires* étaient réunis à l'occasion du Congrès français de psychiatrie et psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent. « Il s'agit aujourd'hui de prendre véritablement en considération l’état de santé mentale des bébés, enfants et adolescents qui seront les adultes de demain », écrivent-ils dans un communiqué commun, à la veille des Assises de la santé de l'enfant.
Les professionnels alertent sur la gravité de la situation, partout, à tous les niveaux, documentée par plusieurs rapports, dont le dernier est celui de la Cour des comptes (mars 2023). La rue Cambon rappelait l'insuffisance de l'offre face aux besoins en expansion : alors qu'1,6 million de jeunes souffriraient d'un trouble psychique en France - sans compter les conséquences de la crise du Covid -, seulement 750 000 à 850 000 enfants et adolescents seraient suivis en pédopsychiatrie, chaque année. L'accès aux soins de proximité est entravé, avec des délais qui peuvent atteindre 18 mois et des centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ) submergés de demandes, notamment pour des troubles légers à modérés, au détriment des plus sévères.
Conséquences : des pertes de chance pour le développement des plus jeunes, et des pronostics de santé mentale sombres, sachant que la moitié des troubles psychiatriques à fort potentiel de chronicité débutent avant 14 ans, rappelle le communiqué en citant l'Organisation mondiale de la santé.
Quant aux professionnels, ils ne cessent de s'épuiser, est-il noté, ce qui conduit à des « prises de risque insoutenables pour les patients et leurs familles ».
Besoin de moyens et de recherche
Les acteurs de la psychiatrie alertent sur « la carence de l'État français » en matière de moyens donnés pour assurer les soins psychiques, et pour développer la recherche et l'enseignement de la discipline. « L’absence d’investissement suffisant dans la recherche et l’attractivité universitaire, comme non universitaire, de la discipline engage l’avenir », insistent les organisations.
Elles demandent le doublement des capacités d'accueil et de soins, et le renforcement du modèle français du secteur. Elles rejoignent ainsi certaines recommandations de la Cour des comptes, qui plus précisément veut faire des maisons de l'enfance et de l'adolescence (encore expérimentales), la première ligne pour permettre aux CMP-IJ de se concentrer sur le suivi des troubles modérés à sévères.
« Il relève du devoir de l'État français de répondre à cette urgence sanitaire ; la situation actuelle est contraire à l’engagement de l’État français à respecter la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) en matière de santé mentale », lit-on encore.
L'ONU alerte sur les droits de l'enfant en France
Hasard du calendrier, l'appel de Toulouse du 2 juin est concomitant de la publication d'un rapport du Comité des droits de l'enfant de l'ONU qui demande à la France de prendre des « mesures urgentes » pour mieux protéger les jeunes et appliquer la CIDE. Sont notamment pointés du doigt la hausse de la pauvreté touchant les enfants, la durée des délais dans la mise en œuvre des mesures judiciaires de protection, la détention des mineurs pour des raisons d'immigration, le recours à des tests osseux pour évaluer l'âge des étrangers isolés, l'accès trop limité de ces derniers à la protection de l'enfance et à la santé, celui trop facile de tous à la pornographie, et enfin l'insuffisante inclusion des enfants handicapés. « L'écart est encore trop grand entre les droits proclamés et leur application concrète au plus près des enfants », commente le Défenseur des droits, rappelant qu'entre 2021 et 2022, les saisines en matière d’atteintes aux droits des enfants ont augmenté de 20 %.
* La Société de l'information psychiatrique (SIP), la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées (SFPEADA), le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), la Fédération des centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP), l'Association des psychiatres infanto-juvéniles de secteur sanitaire et médico-social (API), l'Association nationale des maisons des adolescents (ANMDA), l'Association française fédérative des étudiants en psychiatrie (AFFEP), l'Association des jeunes psychiatries et jeunes addictologues (AJPJA), avec le soutien de la sous-section pédopsychiatrie du CNU de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
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