Souffrant d'une maladie incurable, Alain Cocq est décédé par suicide assisté en Suisse, à 58 ans

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Publié le 15/06/2021

Crédit photo : AFP

Alain Cocq, 58 ans, atteint d'une maladie incurable et militant d'un droit à l'euthanasie, est décédé ce 15 juin, à Berne, en Suisse par suicide assisté, a annoncé son entourage. « Je tiens à vous informer, par la présente, de mon décès dans la dignité, dans le cadre d’une procédure de suicide assisté en Suisse », écrit Alain Cocq dans une lettre ouverte adressée au président de la République, au gouvernement ainsi qu'aux parlementaires et diffusée par ses soutiens.

« Il a pris un cachet ; cela a été très rapide. C'est chose faite et c'est une très bonne chose qu'il soit parti comme il le souhaitait. C'est préférable à rester en vie dans cet état », a déclaré à l'AFP François Lambert, un de ses proches, neveu de Vincent Lambert, avocat de formation et partisan de l'euthanasie. « Alain Cocq est décédé selon son désir, dans la dignité », a commenté sur Facebook, Sophie Medjeberg, une autre proche du Dijonnais.

Dans sa lettre d'outre-tombe, Alain Cocq dénonce le « manque de courage politique » du gouvernement, accusé d'avoir refusé « de mettre à l’ordre du jour un projet de loi sur la fin de vie dans la dignité, que ce soit par le suicide assisté lorsque la personne est consciente, ou par euthanasie lorsque la personne n’est plus en capacité de s’exprimer ».

La proposition de loi du député Olivier Falorni (groupe Libertés et territoires) n'avait pu être adoptée dans un temps contraint en avril, face à des milliers d'amendements déposés par quelques élus LR. « Je tiens à féliciter Mesdames et Messieurs les députés qui ont eu le courage et la conscience de voter pour l’article 1 du projet de loi de Monsieur Falorni », ajoute Alain Cocq, avant de « fustiger l'archaïsme du Sénat qui a rejeté un projet de loi similaire ».

Et le militant de demander aux candidats à l'élection présidentielle de 2022 s'ils sont « prêts à soutenir un projet de loi relatif à la fin de vie dans la dignité dans lequel serait défini tant le suicide assisté que l'euthanasie ».

35 ans de souffrance

Alain Cocq a été diagnostiqué à 23 ans d'une maladie aussi incurable que douloureuse, qui l'a conduit à vivre pendant 35 ans « en soins palliatifs », selon ses termes.

La situation d'Alain Cocq sortait du cadre de la loi Leonetti Claeys de 2016, qui ouvre la possibilité de demander une « sédation profonde et continue, pouvant aller jusqu'à la mort » mais uniquement pour des personnes dont le pronostic vital est engagé « à court terme » (soit en raison de l'affection grave et incurable, soit lorsque le patient décide d'arrêter un traitement).

Ce militant de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui avait par le passé traversé la France et l'Europe en fauteuil roulant pour sensibiliser au sort des personnes handicapées, avait demandé en août 2020 au président Emmanuel Macron d'autoriser le corps médical à lui prescrire du pentobarbital, pour « partir en paix ». Face au refus du président, il avait tenté à deux reprises de se laisser mourir, en faisant la grève des soins et de la faim, mais il avait dû renoncer face à des douleurs insoutenables. Il avait alors annoncé son intention de se rendre en Suisse, où le suicide assisté est légal. C'est notamment en Suisse qu'est décédée Paulette Guinchard en mars dernier.

Acte politique

« Ces morts à l’étranger sont indignes de notre pays. Car à la souffrance générée par la fin de vie s’ajoute l’exil, seulement accompagné de quelques proches. Néanmoins, il faut remercier les associations suisses d’accueillir ainsi des étrangers pour les aider à mourir paisiblement », a réagi l'ADMD, en appelant le président de la République et le Premier ministre à « sortir de leur conservatisme ». « La loi Leonetti de 2016 est une aberration française, que nul autre pays au monde n’a adoptée et qui laisse de côté les malades atteints de maladies neurodégénératives », estime l'Association.

Le professeur d'Éthique Emmanuel Hirsch a rendu hommage à Alain Cocq en soulignant la portée politique de sa demande, celle d'un acte médical compassionnel, qui dénonce en creux « les insuffisances de la loi du 2 février 2016 ». « Si je m’oppose aux dérives que favoriserait une dépénalisation de l’euthanasie, c’est pour que l’on préserve un esprit de discernement et cette attention de l’autre. Y compris lorsque son dernier appel est celui de notre présence auprès de lui jusqu’à sa mort et dans cette solidarité, en de rares circonstances, que serait l’aide active à mourir », écrit-il.


Source : lequotidiendumedecin.fr