Trop méconnue, la loi Claeys-Leonetti doit être mieux appliquée, notamment la sédation profonde et continue, plaident les députés

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Publié le 29/03/2023
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Crédit photo : Assemblée nationale

La première phase de réflexion autour de la fin de vie, lancée à l'initiative d'Emmanuel Macron sous de multiples formes, arrive à son terme et les diverses instances sollicitées commencent à rendre leurs travaux. Autant d'éclairages prudents qui se refusent à trancher, puisque c'est le président de la République qui décidera si la France doit aller vers une aide active à mourir, est-il répété.

Avant les conclusions de la convention citoyenne, attendues ce 2 avril, les députés Olivier Falorni (démocrate, Charente-Maritime), Caroline Fiat (LFI, Meurthe-et-Moselle), aide-soignante, et Didier Martin (Renaissance, Côte-d'Or), neuroradiologue au CHU de Dijon pendant trente ans, ont présenté ce 29 mars leur mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, en commission des Affaires sociales, qui l'a adoptée à l'unanimité. « Nous avons tout entendu sur la loi Claeys-Leonetti : qu'elle était un trésor national (pour la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs [Sfap]), ou qu'elle était inappliquée car inapplicable. Notre rôle est de dresser un constat : nous ne prenons pas position sur l'aide active à mourir ni même sur la pertinence d'une nouvelle loi », a mis au clair le député Olivier Falorni, auteur en 2021 d'une proposition de loi en faveur d'une assistance médicalisée à mourir.

« Adapter » la sédation profonde et continue, très rare en pratique

À l’issue de trois mois de travail, 31 auditions et trois visites dans des structures palliatives, les députés constatent que, sept ans après sa promulgation, la loi Claeys-Leonetti ouvrant de nouveaux droits reste méconnue des patients et des soignants.

À commencer par la sédation profonde et continue jusqu'au décès (SPCJD), créée par la loi du 2 février 2016. Son recours est extrêmement rare, avec une prévalence estimée à 0,9 % (selon l'étude Preval-S2P) ; inégal selon le type de structure (plus fréquente en unités de soins palliatifs [USP] qu'en lits identifiés soins palliatifs [Lisp]) ; et quasiment impossible à domicile, eu égard aux exigences de présence qu'elle implique.

« Faute de codification spécifique, nous avons peu d'éléments quantitatifs sur la SPCJD. Dans l'unité de soins palliatifs que nous avons visitée à Juvisy, il y en aurait deux à trois par an (sur 200 patients). Elle doit être plus fréquente que nos estimations, et pas seulement dans les USP, mais il y a des résistances à la déclarer », analyse le co-rapporteur Didier Martin.

Est-ce parce que les sédations proportionnées suffisent ? Ou parce que la sédation profonde est problématique en elle-même, en ce qu'elle prolonge certaines agonies ? Les députés ne rentrent pas dans le détail. Ils préconisent en revanche de créer un codage spécifique et de préciser (par voie réglementaire, à travers des recommandations de la Haute Autorité de santé, par exemple) qu'elle doit être adaptée.

Concrètement, si une SPCJD dure trop longtemps - les députés ont été marqués par le cas d'un nourrisson en néonatologie sédaté pendant huit jours, les soignants ayant participé à la procédure collégiale doivent pouvoir se réunir pour adapter les soins. Non avec l'intention d'accélérer le décès, mais de soulager la souffrance. « Adapter un soin n'est pas un geste létal », insiste Caroline Fiat. « Cette adaptation se fait, en pratique. Mais le législateur, en précisant les choses, sécurise le médecin en évitant qu'il ne soit poursuivi », explicite Olivier Falorni.

La mission suggère aussi d'assurer l'accès en ambulatoire des produits et médicaments nécessaires à la SPCJD (comme cela commence à être fait pour le midazolam), d'assurer un meilleur accès aux équipes mobiles de soins palliatifs et à l'hospitalisation à domicile, et de mettre le médecin traitant volontaire au cœur de la procédure. Les députés veulent aussi préciser dans la loi que le refus de l'obstination déraisonnable s'applique aux mineurs.

Changer le regard sur la mort

Autres outils pour faire respecter le droit des malades, que la loi Claeys-Leonetti de 2016 a renforcés par rapport à 2005 : les directives anticipées (DA) et la personne de confiance sont encore méconnues. Seulement 18 % des plus de 50 ans auraient rédigé les premières.

Pas question cette fois de modifier la loi, mais il faut simplifier les formulaires relatifs aux DA et clarifier le rôle de la personne de confiance. Parallèlement aux campagnes de sensibilisation, les professionnels de santé doivent être encouragés à accompagner les patients dans ces démarches ; ceci à travers des consultations dédiées, prises en charge par l'Assurance-maladie. Didier Martin insiste sur la valorisation des consultations des médecins traitants, ou encore des infirmiers, pour recueillir ces DA, tandis que Caroline Fiat espère un changement sociétal : « Il faut parler de ce qu'on veut pour sa mort en famille. J’ai rempli mes DA et je suis encore vivante, ça ne porte pas la poisse ! », lance-t-elle.

Garantir l'accès aux soins palliatifs

Dans un troisième volet, la mission d'évaluation appelle à développer l'offre palliative, à l'hôpital, à domicile et dans le médico-social, pour tous les malades. Les députés proposent de lancer une campagne de recrutement et de valorisation des métiers des soins palliatifs, et de revoir le modèle de financement, en remettant en cause la T2A au profit d'un modèle mixte alliant une part forfaitaire et une part liée à l'activité. Il s'agit aussi d'assurer la traçabilité des moyens alloués aux hôpitaux pour qu'ils ne soient pas réaffectés sur d'autres postes.

La mission plaide enfin pour créer un diplôme d'études spécialisées de médecine palliative et une spécialité d'infirmier en soins palliatifs, et de généraliser les formations à la culture palliative et à la fin de vie pendant les études de santé. « Les soins palliatifs doivent être engagés avant la fin des soins curatifs », souligne Didier Martin.

Une instruction sur les soins palliatifs attendue à la fin du mois

Dès la fin du mois d'avril, devrait être publiée une instruction révisant la circulaire de 2008 sur l'offre de soins palliatifs, a de son côté précisé le ministère de la Santé, tandis qu'une stratégie décennale devrait être présentée avant l'été, pour « aller plus loin que les cinq premiers plans ». La ministre Agnès Firmin Le Bodo remettra par ailleurs au président de la République et à la Première ministre la conclusion des groupes de travail qu'elle a lancés, l'un parlementaire, transpartisan et bicaméral, l'autre composé de soignants, ainsi que la synthèse de ses visites à l'étranger (Belgique, Suisse, États-Unis [Oregon], Italie, Espagne, Grande-Bretagne…).

S'il y a un vrai consensus sur les soins palliatifs, le ministère comme les députés bottent en touche au sujet d'une ouverture de l'aide à mourir. Avenue Duquesne, l'on se refuse à s'inspirer d'un modèle plutôt qu'un autre : « Chaque législation reflète l'identité d'une nation, des choix culturels et cultuels, le pouls d’une société, un système de santé… » La mission Falorni constate, elle, que « la loi Claeys-Leonetti n'apporte pas de réponses à toutes les situations en fin de vie ». « Toutes les personnes auditionnées ont évoqué d'elles-mêmes l'aide active à mourir, mais elle n'est pas l'objet de notre mission », a rappelé le député. Les modifications apportées à la sédation profonde et continue sont ainsi « une solution à court terme, pour éviter des situations douloureuses pour les gens qui vont mourir ». Quant à ceux qui « veulent mourir », la balle est dans le camp de l'exécutif.


Source : lequotidiendumedecin.fr