Un récit mu par l’humour

Publié le 07/03/2013
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TOUCHÉ par la polio à l’âge de 6 ans, en 1955, l’Américain Mark O’Brien s’est retrouvé totalement paralysé et dépendant d’un poumon d’acier. Devenu journaliste et poète, il publia en 1990 dans le magazine littéraire « The Sun » un long article racontant son expérience avec une assistante sexuelle, quand, à 36 ans, il entreprit de perdre sa virginité (« On seeing a Sex Surrogate »). Le scénariste et cinéaste Ben Lewin (né en Pologne, émigré à 3 ans en Australie, installé aujourd’hui en Californie), qui a lui aussi contracté la polio étant enfant et, moins grièvement atteint, se déplace avec des béquilles, a eu envie d’en faire un film. Il a rencontré la véritable assistante sexuelle de Mark O’Brien, aujourd’hui grand-mère et qui, dit-il, continue de pratiquer son métier, ainsi que la femme qui partagé les dernières années de la vie du journaliste, mort en 1999, à quelques jours de ses 50 ans.

Montrer sans tabou l’apprentissage de la sexualité par un grand handicapé privé de mouvement – mais pas de sensibilité – était une gageure. On pouvait redouter le pire. Heureusement, conformément à la personnalité de son héros, Ben Lewin a misé sur l’humour et fait de ce récit osé une comédie.

John Hawkes, remarqué dans « Winter’s Bone » et dans le rôle du gourou de « Martha Marcy May Marlene », martyrise son corps pour donner une composition impressionnante tout en permettant l’empathie et une certaine forme d’identification – comme le souligne la productrice Judi Levine, c’est « aussi l’histoire de la première fois, qui est universelle, qui que l’on soit... ». Helen Hunt ne craint pas la nudité et, comme toujours, a de l’abattage ; avec élégance, elle établit clairement la frontière entre assistance sexuelle et prostitution. Ben Lewin a aussi créé le personnage d’un prêtre qui recueille les confidences du héros, donnant à William H. Macy un rôle presque burlesque.

Prix du public au festival de Sundance, entre autres récompenses, « The Sessions » ne se veut pas démonstration militante, il raconte « la relation entre deux êtres ». Un film dont la légèreté est en elle-même une conviction sur les relations entre valides et handicapés.

RENÉE CARTON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9224