L’affaire du volcan

Une Europe absente

Publié le 21/04/2010
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Crédit photo : AFP

L’ÉRUPTION VOLCANIQUE était, pour l’Union européenne, un cas d’école et un test de son unité : une crise qui affecte tout le continent, qui pèse sur la totalité de son économie, qui exige une parfaite coordination des initiatives, de Rome à Dublin et de Paris à Varsovie. À quoi l’honnêteté demande d’ajouter que la vulcanologie est une science, pas forcément exacte, que les vulcanologues sont rares, que les effets de l’éruption sont divers et changeants, que les hommes politiques ne sont pas compétents pour en juger. C’est vrai, mais en même temps, les conséquences économiques et humaines de ce phénomène géologique étaient telles qu’il appartenait aux gouvernements de se saisir de la crise.

Le silence de l’Union.

En France, François Fillon (auquel Nicolas Sarkozy, pour une fois, a donné carte blanche) et Jean-Louis Borloo ont communiqué de façon utile en énumérant les raisons qui motivaient leurs décisions successives. On ne doute pas que la France soir restée en contact permanent avec d’autres membres de l’Union. En revanche, le silence de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne et de Herman Von Rompuy, président européen, a été consternant. Nous n’avons eu droit, mardi matin qu’à une réaction du commissaire européen aux Transports, Siim Kallas, qui a attribué les critiques adressées à l’UE par la presse aux prochains rendez-vous électoraux dans divers pays, dont la Grande-Bretagne.

Il nous semble que les opinions européennes méritaient mieux que cette réaction amère, proférée par un homme arrivé dans la crise comme les carabiniers et qui s’est félicité, mardi, de la décision d’Eurocontrol de reprendre les vols progressivement, comme s’il y était pour quelque chose. Tout au plus avait-on laissé entendre à Bruxelles, mais sans plus d’explications, qu’un geste financier de la commission serait fait en direction des compagnies aériennes, déjà déficitaires, et qui pourraient bien ne pas se relever de ce coup du sort. Mais on n’a pas vu l’Union prendre dès la semaine dernière des décisions logistiques importantes pour rapatrier les gens cloués dans les aéroports ; on n’a vu que des mesures nationales, comme en France, où l’on a augmenté le trafic ferroviaire et dirigé les passagers, quand c’était possible, vers des ferries ou des navires. Qu’est-ce qu’on va nous dire ? Que l’Union ne dispose pas de moyens spécifiques pour lutter contre une crise de ce genre ? C’est exactement ce qu’on lui reproche.

L’AFFAIRE DU VOLCAN ÉTAIT UN CAS D’ÉCOLE POUR L’EUROPE

Mauvais plan pour la Grèce.

Et encore si l’Europe en était à son premier échec. Le traité de Lisbonne, étape de la construction européenne qui aura été la plus difficile, la plus controversée, la plus différée, n’a pas simplifié du tout la gouvernance de l’Union. Laquelle s’est déchirée et se déchire encore à propos de la crise grecque, qui, quoi qu’on pense du comportement de la Grèce par le passé, aurait dû être résolue en un tournemain par une aide massive au nom de la solidarité européenne. Que l’on ait songé au Fonds monétaire international pour secourir la Grèce, membre de l’UE et de l’euro, est une honte, un aveu de faiblesse, un début de dilution de la construction européenne dans les systèmes internationaux.

On peut comprendre la mauvaise humeur des Allemands, bons élèves à l’école de la rigueur, qui refusent de payer pour les indisciplinés. On sait que l’euro n’est en réalité qu’un Deutsche mark européen. On devine la tentation de sanctionner un pays et son peuple pour qu’il comprenne enfin la leçon. Il demeure que, pour tous les Européens convaincus, la défiance allemande à l’égard de l’euro s’ajoute de façon alarmante à celles des eurosceptiques du début, les Anglais par exemple, et qu’Angela Merkel, parangon de vertu financière, porte à la monnaie unique et donc à l’Union un coup qui risque de leur être fatal car il s’ajoute à l’affaiblissement du continent sous l’effet de la crise économique et financière. C’est trop bête : comme Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, ne cesse de le répéter, il ne devrait pas y avoir de crise grecque parce que l’Union dispose des réserves et des instruments financiers propres à rassurer les marchés. La cruauté morale de Mme Merkel sape les fondements même de l’Union. Il ne suffit pas qu’elle ait raison. Il faut aussi que la leçon qu’elle inflige à la Grèce ne démolisse par l’Europe.

Mais quoi, M. Sarkozy et Mme Merkel ont voulu garder la main-mise sur l’UE ; ils n’ont pas souhaité nommer un président politique qui aurait été autonome et aurait parlé en leur nom ; ils ont craint comme la peste l’apparence de la supranationalité. Ils récoltent ce qu’ils ont semé : l’indifférence des deux géants qui dominent le monde, les États-Unis et la Chine.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8755