Vulnérabilités et Covid-19 : le gouvernement publie de nouvelles conditions d'accès au chômage partiel, aussitôt dénoncées par les associations

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Publié le 12/11/2020

Crédit photo : PHANIE

Une nouvelle liste élargie de personnes vulnérables face au risque de forme grave de Covid-19, susceptibles de bénéficier du chômage partiel, entre en vigueur ce jeudi 12 novembre, en vertu d'un décret publié au « Journal officiel » la veille. Loin de répondre aux attentes des associations de patients, vives depuis que le Conseil d'État a annulé, mi-octobre, un précédent décret qui ne retenait que quatre catégories de patients jugés très à risque, les nouvelles dispositions provoquent leur colère.

Activité partielle à deux conditions

Le décret du 10 novembre présente une liste d'une douzaine de critères déterminant la vulnérabilité d'une personne face au Covid-19 (voir ci dessous), sur la base des avis du Haut Conseil de santé publique (HCSP) des 6 et 29 octobre 2020, souligne le gouvernement. Mais ces critères ne suffisent pas pour être placé en position d'activité partielle. Pour bénéficier du chômage partiel, un salarié doit aussi « ne pouvoir ni recourir totalement au télétravail, ni bénéficier des mesures de protection renforcée en présentiel », lit-on.

Ces dernières sont détaillées dans le décret : isolement du poste de travail avec absence ou limitation de son partage ; nettoyage et désinfection du poste ; respect, sur le lieu de travail, des gestes barrières renforcés ; adaptation des horaires de travail pour éviter les heures d'affluence dans les transports ; mise à disposition par l'employeur de masques de type chirurgical en nombre suffisant pour couvrir les trajets entre le domicile et le lieu de travail.

Appel au médecin du travail en cas de désaccord avec l'employeur

C'est au salarié de demander le placement en position d'activité à son employeur, sur présentation d'un certificat (d'isolement) établi par un médecin. En cas de désaccord entre le salarié et l'employeur sur l'appréciation des mesures de protection renforcées, le salarié doit saisir le médecin du travail, qui se prononce en recourant à une équipe pluridisciplinaire de santé au travail. Et, en attendant cet avis, il doit être placé en chômage partiel, au nom du principe de précaution.

Absence du proche dans les critères, poids de l'employeur, démocratie sanitaire

Un « recul inacceptable pour la protection des travailleurs », ont immédiatement réagi les associations. À travers la voix de France Assos santé, elles déplorent d'abord que certaines pathologies à risque ne figurent pas dans les critères retenus par le gouvernement, comme l'insuffisance rénale sévère (mais non dialysée) ou le syndrome de Down, et que les proches cohabitants soient exclus de l'accès à ces dérogations, alors qu'elles sont à risque de contamination. Un dernier point également contesté par l'UNSA (Union nationale des syndicats autonomes), par ailleurs favorable au texte.

Les associations de patients regrettent ensuite que le télétravail ne fasse pas l'objet d'un droit opposable, même s'il est présenté comme l'alternative prioritaire. « Si l'employeur réunit les "critères de sécurité renforcés", il peut exiger le retour en présentiel de son salarié même si le télétravail est possible », craint l'association Renaloo.

Plus largement, les associations contestent un texte qui servirait davantage les intérêts des employeurs, au détriment de la santé des salariés, d'autant que l'employeur aura à sa charge une part croissante du chômage partiel à partir de janvier (et donc tout intérêt à maintenir l'activité).

Certes, les employés peuvent saisir le médecin du travail en cas de désaccord avec l'entreprise. Mais c'est une « situation intenable pour des salariés déjà fragilisés, qui risque d’entraîner de nombreux renoncements à cette disposition », analyse France Assos Santé. « Quel patient en situation d’obésité osera, malgré son certificat médical, affronter son employeur au risque de recevoir au mieux une sanction, au pire de perdre son emploi ? Quel regard porteront, par méconnaissance, les collègues de travail sur un employé en conflit avec son employeur ? », interroge de son côté la Ligue contre l'obésité.

Les associations restent aussi sceptiques sur la capacité de la médecine du travail à s'acquitter de son nouveau rôle. « Comment peuvent-ils s'assurer que les procédures mises en place par l'employeur sont correctement mises en œuvre : port du masque par l’ensemble des salariés en présence de la personne à risque, respect de la distanciation physique, désinfection des surfaces ? » questionne France Assos santé.

Sur la forme enfin, elles s'insurgent contre l'absence de concertation autour d'un texte qui leur a été soumis le 10 novembre… Et fustigent un déni de démocratie sanitaire.

Selon le ministère du Travail, environ 15 000 demandes d'activité partielle sont déposées en moyenne chaque jour depuis la semaine du reconfinement contre 3 000 sur les deux semaines précédentes. Mais le nombre de salariés placés réellement en activité partielle sera in fine beaucoup plus faible, les entreprises faisant toujours des demandes préalables plus larges que leurs besoins réels.

 

Les nouveaux critères de vulnérabilité

- Être âgé de 65 ans et plus ;
- avoir des antécédents (ATCD) cardio-vasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d'accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
- avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;
- présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d'une infection virale : (broncho-pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d'apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;
- présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;
- être atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
- présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;
- être atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise (médicamenteuse, infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ; consécutive à une greffe d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ; ou liée à une hémopathie maligne en cours de traitement) ;
- être atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;
- présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;
- être au troisième trimestre de la grossesse ;
- être atteint d'une maladie du motoneurone, d'une myasthénie grave, de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de paralysie cérébrale, de quadriplégie ou hémiplégie, d'une tumeur maligne primitive cérébrale, d'une maladie cérébelleuse progressive ou d'une maladie rare.


Source : lequotidiendumedecin.fr