Si l’on ne connaît pas de façon formelle la prévalence des adénomes prostatiques (AP) volumineux (défini par un volume > 80 g), celle-ci est néanmoins en forte augmentation du fait d’une parfaite corrélation entre volume prostatique et syndrome métabolique.
Pour ces « grosses prostates », lorsque le traitement chirurgical s’impose, l’adénomectomie par voie haute reste pour le moment le geste recommandé. Mais, avec des taux de complications (notamment hémorragiques) élevés, ce type de chirurgie est sur le déclin en France (2 500 interventions/an aujourd’hui contre 6 000 il y a 10 ans), au profit des techniques laser, la résection transurétrale étant réservée à des volumes < 60 g. Efficaces au prix d’une morbidité réduite, les lasers ont été le sujet de nombreuses communications à l’AFU 2015 quant à leur faisabilité, efficacité et intérêt dans les hypertrophies bénignes de prostate (HBP) volumineuses.
La guerre des lasers
« Les lasers nous libèrent des contraintes de la chirurgie ouverte avec des durées d’hospitalisation et de sondage raccourcies, un risque de saignement beaucoup plus faible, pour un bénéfice globalement similaire en terme de résultats fonctionnels ainsi que la possibilité de traiter des patients sous anticoagulants et à risque opératoire élevé », explique le Dr Vincent Misraï, chirurgien urologue (clinique Pasteur, Toulouse). Sans surprise, les lasers sont donc de plus en plus employés dans les « grosses prostates » avec, à la discrétion du chirurgien et de son expérience, soit l’énucléation par laser Holmium (HoLEP pour Holmium Laser Enucleation of the Prostate), soit la vaporisation par laser Greenlight, soit l’association des deux (technique GreenLEP).
L’HoLEP permet d’énucléer l’adénome par les voies naturelles. Il est déjà recommandé pour les prostates de 80 cm3. Une étude l’a évalué dans les prostates >100 cm3 avec des résultats fonctionnels comparables aux petites prostates, une durée opératoire allongée du fait de l’important volume prostatique, sans retentissement sur la durée d’hospitalisation ou de sondage, mais avec une plus grande fréquence de sténoses de l’urètre.
Seul bémol, la courbe d’apprentissage assez fastidieuse freine probablement son développement. Avantage incontestable en revanche : la résection de l’intégralité de l’AP diminue considérablement le risque de récidive (taux de retraitement de 3-4 % à 10 ans), contrairement à la seconde technique, la photovaporisation par laser Greenlight, dont l’utilisation augmente en France de façon exponentielle depuis cinq ans (surtout dans les petites prostates). Cette photovaporisation permet de contourner le problème de l'apprentissage. Une étude en a démontré l’efficacité dans les prostates > 120 cm3 avec des scores fonctionnels (score IPSS-Internatinal Prostate Symptom Score) identiques à un an, quelle que soit la taille de la prostate.
Une autre étude a comparé le Greenlight à l’adénomectomie voie haute (AVH)
sur des prostates >80 g. Si les résultats fonctionnels avec score IPPS sont en faveur de l’AVH, l’alternative endoscopique semble acceptable, permettant d’opérer en sécurité des patients sous anticoagulants. Par rapport à l’HoLEP, les durées opératoires de la photovaporisation sont plus longues (2h en moyenne vs 1h) avec probablement un risque de sténose urétrale et d’hématurie post-opératoire un peu plus élevé. Mais elle peut être réalisée en ambulatoire, y compris en cas d’adénome volumineux, un confort important pour le patient. On s’expose cependant à laisser en place une certaine quantité de tissu prostatique et à devoir retraiter à moyen terme (2-4 ans minimum) du fait de la réapparition d'une obstruction vésicale.
À terme la technique hybride GreenLep pourrait concilier les avantages des deux techniques. Encore en phase de test, elle exploite la longueur d’onde du laser Greenlight 532 nm qui permet à la fois d’énucléer et de vaporiser l’adénome.
Embolisation ou non ?
Pour des prostates plus petites, l’embolisation des artères prostatiques pourrait venir concurrencer la résection transurétrale. L’idée est d’ischémier la glande prostatique afin de réduire son volume et d’améliorer les troubles mictionnels.
Des études randomisées prospectives comparant embolisation sélective des artères prostatiques vs résection transurétrale ont établi une efficacité comparable sur les troubles mictionnels. Doit-on pour autant y voir la fin de la chirurgie ? « Absolument pas, réfute le Pr Alexandre de la Taille (hôpital Henri-Mondor, Créteil), Car si l’embolisation est prometteuse, nous ne pouvons, en l’état des connaissances, déterminer des indications préférentielles et le profil des patients éligibles ». De plus, à l’inverse, la dilatation des artères pudendales a permis une amélioration des troubles mictionnels via l’augmentation du flux sanguin. Alors faut-il emboliser ou, au contraire, revasculariser les artères à visée prostatique ? La question reste ouverte.
Clap de fin pour la toxine botulique dans l’HBP
Concernant l’intérêt de la toxine botulique en revanche les jeux semblent faits. Dans les années 2010, de petites séries rétrospectives ou études randomisées avaient laissé espérer que ces techniques puissent constituer une alternative au traitement médicamenteux chez certains patients. Le PHRC national Protox (étude randomisée en ouvert, Botox 200 UI transrectal vs traitement médical optimal) vient de porter le coup de grâce à ces espoirs. Certes l’hypothèse de non-infériorité est validée, l’action du Botox est cliniquement significative avec une réduction de l’IPSS de 4,8 points à 4 mois et 14 fois moins d’effets indésirables sexuels (DE, éjaculation rétrograde). À 12 mois, 50 % des patients n’ont pas été opérés ou n’ont pas repris de traitement médical.
Néanmoins, 34 % des patients ont eu des complications aiguës liées à l’injection (hémospermie, hématurie, rectorragie…) et 8 % des prostatites. « Par ailleurs, cette étude n’ayant pas inclus de groupe placebo, elle n’apporte pas de preuve d’efficacité de la molécule elle-même et l’on peut se demander si l’efficacité constatée n’est pas à mettre sur le compte d’un effet placebo important », estime l’investigateur principal, le Pr Grégoire Robert (service d’urologie, CHU de Bordeaux). Le laboratoire a d’ailleurs jeté l’éponge et abandonne le développement clinique dans cette indication.
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