L’orexine pourrait être une nouvelle cible

Alzheimer : le manque de sommeil s’en mêle

Publié le 24/09/2009
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

LE DR DAVID HOLTZMAN (Washington University À St Louis, MO), qui a dirigé cette étude publiée dans « Sciencexpress », laisse entrevoir au « Quotidien » plusieurs implications cliniques : « La privation de sommeil ou les troubles du sommeil à l'âge moyen de la vie pourraient peut-être prédisposer à la maladie d'Alzheimer. Cibler la voie de l’orexine pourrait peut-être offrir un futur traitement ».

« Nos prochains objectifs sont de mener des recherches chez l'homme afin d'examiner si les troubles du sommeil prédisposent à la maladie d'Alzheimer et de mieux comprendre comment l'orexine pourrait jouer un rôle dans la maladie. »

L'accumulation d'amyloïde-bêta dans l'espace extracellulaire cérébral est un signe cardinal de la maladie d'Alzheimer or les facteurs régulant ce processus ne sont que partiellement compris.

L'amyloïde-bêta est produite par les neurones et sécrétée dans le liquide interstitiel cérébral (LIC), ou elle peut subir un changement de forme et se transformer en formes agrégées toxiques pour les neurones.

Puisque le fait d’évaluer les taux d'Abêta dans le LIC pourrait apporter des éclaircissements sur le métabolisme de l'Abêta et la maladie d'Alzheimer, le Dr Holtzman et son équipe ont développé en 2003 une technique de microdialyse in vivo qui permet de mesurer ces taux chez la souris vivante, libre de ses mouvements. Grâce à cette technique, ils ont ainsi déjà montré que le pool insoluble d'Abêta est en équilibre dynamique avec l'Abêta dans le LIC.

Dans leur nouvelle étude, Kang, Holtzman et coll. ont surveillé au cours de la journée les taux d'Abêta dans le LIC hippocampique de souris normales et de souris servant de modèles pour la maladie d'Alzheimer (souris transgéniques APP humaines).

Ils ont découvert que les taux d'Abêta dans le LIC fluctuent au cours des 24 heures, tant chez la souris normale que la souris transgénique, et sont corrélés à l'état d'éveil, s'élevant durant la phase d'éveil (la nuit pour la souris) et baissant durant la phase de sommeil.

Les chercheurs ont étudié les taux d'Abêta dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) de 10 jeunes hommes volontaires (ayant un cathéter lombaire pendant 33 heures), et ont constaté que la même fluctuation liée au cycle veille/sommeil est présente chez les humains.

Ils montrent aussi qu'une privation de sommeil aiguë chez la souris provoque une augmentation de 25 % des taux d'Abêta ; lorsque les souris récupèrent leur sommeil, leurs taux d'Abêta dans le LIC baissent immédiatement.

Une neurohormone qui stimule l’éveil.

Puisque l'orexine, une neurohormone stimulant l'état d'éveil, est libérée par les neurones hypothalamiques avec une fluctuation dans la journée similaire à celle des taux d'Abêta du LIC, il était possible que le signal orexine endogène soit à l'origine de la fluctuation diurne des taux d'Abêta.

Les chercheurs montrent que c'est effectivement le cas. L'administration d'orexine (par infusion intra-cérébroventriculaire) au début de la phase de sommeil de la souris provoque leur éveil et une élévation des taux d'Abêta, tandis que l'infusion d'almorexant, un antagoniste des deux récepteurs d'orexine, supprime les taux d'Abêta et abolit la fluctuation diurne naturelle de l'Abêta.

Enfin, une privation de sommeil chronique pendant trois semaines accélère la formation des plaques d'Abêta dans le cerveau de la souris transgénique APP humaine. À l’opposé, le traitement par almorexant pendant deux mois réduit significativement la formation des plaques, avec une baisse de plus de 80 % dans certaines régions. « Cela suggère qu'un traitement de ce type pourrait être testé afin de voir s'il pourrait retarder la maladie d'Alzheimer », fait observer le Dr Holtzman.

Si le risque de la maladie d'Alzheimer augmente avec l'âge, le cycle veille/sommeil se dégrade également souvent en prenant de l'âge. Les chercheurs envisagent des études épidémiologiques pour savoir si la perte de sommeil chronique chez les adultes jeunes et d'âge moyen majore le risque de maladie d'Alzheimer plus tard dans la vie.

Le Dr Holtzman projette également d'étudier par quel mécanisme moléculaire l'orexine affecte l'Abêta. « Nous aimerions savoir s'il existe des moyens d'altérer le signal orexine et ses effets sur l'Abêta sans nécessairement modifier le sommeil. »

Sciencexpress 24 septembre 2009, Kang et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr