Avant la retraite

Certains anniversaires méritent d'être célébrés avec faste, celui de Himmler par exemple né comme chacun le sait le 7 octobre. Alors, certes, on ferme les rideaux, évite de faire trop de bruit dans cette famille atypique d'un frère, ancien officier nazi désormais président du tribunal qui s'apprête à prendre une retraite bien méritée et ses deux sœurs. Écriture classique, la règle des trois unités (de temps, de lieu, d'action) est respectée. Le ton est loin en revanche du politiquement correct. Et fait écho avec une actualité hexagonale plongée dans des relents nauséabonds que l'on croyait dissipés pour toujours. Et c'est là la grande force des œuvres intemporelles, être reçues et jouées dans des contextes différents et conserver leur force subversive.. Tout au long de ces deux heures de représentation, le spectateur est sur une ligne de crête entre malaise et rire (jaune), dénonciation politique et comédie (de boulevard). On ne commentera donc pas le rôle interprété par Noémie Lvovsky qui incarne la sœur professant des idées socialistes condamnées à demeurer dans un fauteuil roulant à la suite d'un bombardement des forces alliées en 1945 et donc à l'impuissance face à sa fratrie toujours nazie. Quant à Catherine Hiegel, elle est impériale dans un mélange de genre entre répulsion et ferment d'humanité. La mise en scène d'Alain Françon traduit avec talent cette (in)humanité tapie dans l'ombre, toujours prête à sortir dans le jour à la première occasion. Dans cette dénonciation, la scène est un lieu incomparable même si le spectateur est heureux de respirer enfin un air frais à la sortie du théâtre de la Porte Saint-Martin. 

Avant la retraite, de Thomas Bernhard, mise en scène d'Alain Françon avec Catherine Hiegel, Noémie Lvovsky, André Marcon, jusqu'au 2 avril, théâtre de la porte Saint-Martin.