Étude SHARP

Baisser le taux de cholestérol chez les insuffisants rénaux chroniques

Publié le 21/04/2011
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L’étude SHARP (Study of Heart and Renal Protection) est la première grande étude randomisée en double aveugle ayant montré un bénéfice d’une réduction du LDL cholestérol chez des patients insuffisants rénaux chroniques, en termes d’événements cardio-vasculaires majeurs.

Il s’agit d’une étude multicentrique internationale débutée en 2003, ayant inclus près de 9 500 patients, âgés de 40 ans ou plus, dont la fonction rénale était diminuée d’au moins 50 % (créatinine› 1,7 mg/dL chez les hommes ou› 1,5 mg/dL chez les femmes). Un tiers d’entre eux était pris en charge en dialyse. Les patients étaient randomisés en deux bras, le premier recevant une association fixe de 10 mg d’ézétimibe, réducteur de l’absorption du cholestérol, et de 20 mg de simvastatine, le deuxième un placebo. La moyenne de suivi était de 5 ans.

Une diminution importante du LDL cholestérol.

Les premiers résultats, présentés en novembre dernier par les professeurs Colin Baigent et Martin Landray (Oxford) lors de l’American Society of Nephrology Renal Week, montrent que l’association ézétimibe et simvastatine permet une diminution d’un sixième du risque d’événements athérosclérotiques majeurs (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou geste de revascularisation artérielle), lié à une réduction significative du LDL cholestérol. Les analyses en sous-groupes montrent que cette réduction est observée de façon non significativement différente quel que soit le type de patients et le niveau d’insuffisance rénale.

Au cours de l’étude, un nombre important de patients, environ un tiers, a arrêté de prendre le traitement. Cette proportion était cependant la même dans les deux groupes et n’était, en majorité, pas liée à la survenue d’effets indésirables ou à la prescription des statines hors étude. Les auteurs ont calculé, en extrapolant ces résultats, que si le traitement par association ézétimibe-simvastatine avait été suivi sans interruption par l’ensemble des patients au cours de l’étude, la réduction du risque d’événements athérosclérotiques majeurs attendus aurait été plus importante que celle effectivement obtenue, estimée à un quart. Sur 1 000 patients traités pendant cinq ans, l’association ézétimibe-simvastatine permettrait ainsi d’éviter la survenue de 30 à 40 événements athérosclérotiques majeurs. Ce bénéfice est comparable à celui constaté chez des personnes ayant une fonction rénale normale, avec la même diminution du LDL cholestérol, mais obtenue avec des doses plus élevées de statines.

L’autre apport important de cette étude est la bonne tolérance du traitement. Il n’a pas été mis en évidence d’augmentation du risque d’effets indésirables hépatiques ou musculaires. Par ailleurs, l’hypothèse émise, d’une élévation potentielle du risque cancéreux sous ézétimibe, n’a pas été corroborée.

Perspective d’une prévention à grande échelle.

Cette étude a une portée importante pour plusieurs raisons. Il est connu que les patients ayant une insuffisance rénale chronique sont des patients à haut risque cardio-vasculaire. Cependant, l’intérêt d’une baisse médicamenteuse du cholestérol chez ces patients a été très débattu. Si le bénéfice de la baisse du taux de LDL cholestérol en prévention primaire est reconnu depuis longtemps chez les patients présentant une fonction rénale normale, aucune donnée jusqu’à présent ne permettait de conclure à un bénéfice identique dans une population d’insuffisants rénaux chroniques.

Deux études assez récentes (4D 2005 et Aurora 2009) avaient échoué à montrer un bénéfice du traitement hypolipémiant par statine, mais elles étaient de petite taille et ne portaient que sur une population de patients hémodialysés. L’étude SHARP confirme désormais le bénéfice cardio-vasculaire substantiel lié à la baisse du LDL cholestérol chez les patients souffrant d’une insuffisance rénale chronique. D’autre part, ces résultats montrent la bonne efficacité hypocholestérolémiante et la bonne tolérance de l’association ézétimibe-simvastatine, chez des patients que la baisse de fonction rénale expose à un risque majoré d’effets indésirables en cas de fortes doses de statines.

Avec environ une personne sur dix souffrant de maladie rénale chronique dans le monde, la population concernée par cette prévention primaire est particulièrement vaste. La prescription d’hypocholestérolémiant à grande échelle dans cette population permettrait ainsi d’éviter la survenue d’environ 250 000 infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux ou chirurgies de désobstruction artérielle chaque année dans le monde. Néanmoins, l’étude SHARP a utilisé l’association ézétimibe et simvastatine dans un usage non encore reconnu par l’AMM. À terme, il est prévu de publier les principales observations de cette étude dans une grande revue médicale au cours du premier semestre de 2011. Par la suite, il faut espérer une mise à jour des recommandations des autorités de santé et de l’AMM.

D’après un entretien avec le Pr Ziad Massy, CHU d’Amiens Sud.

 Dr Camille Cortinovis

Source : Bilan spécialistes