« Nos résultats sont en désaccord avec ceux de la majorité des études antérieures. » L'équipe française, qui publie ses résultats dans le « British Medical Journal », reconnaît qu'elle risque de surprendre les médecins. De fait, alors que la technique du frottis dite en « phase aqueuse » prend, dans de nombreux pays, une importance croissante dans le dépistage du cancer cervical, Joël Coste et coll. le trouvent moins performant que la traditionnelle technique sur lame.
Les nombreux investigateurs du groupe d'étude de la Société française de cytologie clinique ont voulu déterminer la sensibilité, la spécificité et la fiabilité du frottis sur lame par rapport au frottis en phase aqueuse. Ils ont donc mené une étude croisée, examinant des prélèvements provenant de toute la France, selon trois techniques : traditionnelle, en suspension et recherche de papillomavirus.
Plus souvent satisfaisant
Deux groupes de femmes ont sous-tendu le travail : 828 adressées en colposcopie pour anomalie cytologique ; 1 757 dans le cadre d'un examen systématique. Sur ces 2 585 femmes enrôlées de septembre 1999 à fin mai 2000, 1 785 ont pu bénéficier d'une recherche de papillomavirus, responsable quasi constant du cancer cervical.
Les prélèvements ont bénéficié de deux lectures en aveugle, suivies d'un éventuel consensus.
Le frottis traditionnel s'est montré plus souvent satisfaisant (91 % contre 87 %), plus fiable et montrait de meilleures sensibilité et spécificité que la cytologie en phase aqueuse. Notamment dans la détection des cancers intraépithéliaux de grade I et plus ainsi que de grade II ou plus. En revanche, les tests en phase aqueuse ont montré davantage d'anomalies, notamment dans les formes indéterminées (ASCUS/AGUS), sans que la différence n'atteigne le seuil de la significativité.
Quant à le recherche de l'ADN du papillomavirus (à titre systématique ou en cas de forme indéterminée), sa sensibilité ne dépassait pas celle du frottis classique et sa spécificité était bien inférieure, que les lésions soient de grade I ou II. « La cytologie en phase aqueuse est moins fiable et plus à même de donner des faux positifs et des faux négatifs que les frottis cervicaux conventionnels. »
Pourtant, l'équipe française reconnaît quelques limites à sont travail, que pointe le Dr Joseph Monsonego, directeur de l'unité de colposcopie à l'institut Fournier (Paris). Notamment, le choix des anatomopathologistes semble primordial dans la discordance entre cette étude et la majorité des autres. Leur compétence et leur expérience toutes particulières dans la lecture des lames traditionnelles, supérieures à la moyenne, les rend moins sujets à l'erreur. Ils ont d'ailleurs un très faible taux de lames « classiques » jugées comme non satisfaisantes. En revanche, les auteurs reconnaissent eux-même une expérience limitée dans l'analyse des frottis en phase aqueuse.
Le Dr Monsonego rappelle de plus, un travail qu'il a coordonné et paru dans le « British Journal of Cancer » (2001;84-3- ; 360-366). Cette étude sur près de 5500 Françaises, répondant à de nombreux critères de qualité, montrait une sensibilité de 82 % pour le dépistage en phase aqueuse, contre 66 % pour le frottis conventionnel. La performance diagnostique du premier dépassait de 38,5 % la méthode traditionnelle sur les lésions de bas grade et au-delà (bas grade : + 50 % ; haut grade : + 18 %).
Sur la base de leur étude, Joël Coste et coll. considèrent que le frottis en phase aqueuse, parce que, selon eux, moins performant et plus onéreux, ne devrait pas se substituer à la technique traditionnelle. La recherche de papillomavirus devrait être davantage évaluée.
J. Coste, B. Cochand-Priollet, P. de Cremoux, C. Le Galès, I. Cartier, V. Molinié, S. Labbé, M.-C. Vacher-Lavenu, Ph. Vielh, « BMJ », vol. 326, 5 avril 2003, pp. 733-736.
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