Si « Le Généraliste » était paru en 1925

Ce que Napoléon pensait de l’euthanasie

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Publié le 10/04/2017
Histoire

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On connaît le verdict tout récent du jury de la Seine dans un cas où il avait à juger si on a le droit de donner « le coup de grâce » pour abréger les souffrances d’un patient : les jurés ont prononcé l’acquittement de la prévenue.

Il nous est souvenu, à ce propos, d’un entretien de Napoléon avec un Anglais à l’île d’Elbe où l’Empereur s’était prononcé nettement en faveur d’une thèse opposée.

On avait accusé Bonaparte d’avoir donné l’ordre d’empoisonner des malades, des pestiférés. Qui avait-il de vrai dans cette allégation ? Napoléon répondit sans embarras à son interlocuteur :

Il y a dans cela quelque chose de vrai : trois ou quatre hommes avaient la peste ; il ne leur restait que vingt-quatre heures à vivre. J’étais au moment de me mettre en marche ; je consultai Desgenettes sur les moyens de les transporter ; il me dit qu’il fallait craindre la contagion pour l’armée et que, pour eux-mêmes, c’était peine perdue car leur état était désespéré. Je lui commandai alors de leur donner une dose d’opium pour qu’ils ne tombassent pas vivants entre les mains des Turcs. Il me répondit, en fort honnête homme, que son métier était de guérir, non de tuer ; ainsi les hommes furent abandonnés à leur sort.

Peut-être avait-il raison, et pourtant ce que je demandais pour eux, je le demanderais pour moi-même et mes meilleurs amis, dans des circonstances analogues. J’ai souvent réfléchi à ce point de morale, j’ai consulté l’opinion d’autres hommes et je crois qu’au fond, il vaut toujours mieux laisser un homme subir sa destinée, quelle qu’elle soit.

C’est ainsi que je jugeai plus tard dans le cas de mon ami Duroc, qui était là, sous mes yeux, perdant ses entrailles, et me criant de mettre fin à ses tortures horribles. Je lui dis : « Je vous plains, mon ami, mais il n’y a pas de remède, il faut souffrir jusqu’à la fin ».

(« La Chronique médicale », 1925)


Source : lequotidiendumedecin.fr