Un programme de Médecins du monde à Marseille

Comment éviter la prison aux condamnés souffrant de troubles psychiatriques

Par
Publié le 11/01/2018
Article réservé aux abonnés
Marseille

Marseille
Crédit photo : Adrien Renaud

« Ne passez pas par la case prison ». C’est ce que les juges marseillais devraient bientôt dire en comparution immédiate aux condamnés en grande précarité qui ont besoin de soins psychiatriques.

Tel est du moins l’objectif d’un projet que l’association Médecins du Monde (MdM) développe dans la cité phocéenne : le programme « Alternatives à l’incarcération par le logement et le suivi intensif dans la communauté » (Ailsi). « Les personnes qui cumulent précarité et trouble psychiatriques sévères sont prises dans des modes de vie où elles alternent des séjours dans la rue, des hospitalisations, et des incarcérations », explique le Dr Thomas Bosetti, psychiatre et responsable du programme Ailsi pour MdM. C’est pour les aider à sortir de cette spirale que l’ONG collabore avec la justice pour mettre en place un circuit adapté. Une association identifiera donc ceux qui cumulent problématique psychiatrique et situation de grande précarité dans les geôles (cellules où les prévenus attendent de comparaître) du Tribunal de grande instance (TGI) de Marseille. Les personnes ciblées seront orientées vers l’équipe du projet qui évaluera leur situation, et estimera notamment si elles relèvent des troubles psychiatriques sévères. Lors de l’audience en comparution immédiate, il sera alors proposé au juge de prononcer une peine alternative à la prison : sursis avec mise à l’épreuve, contrainte pénale… Si le magistrat accepte d’éviter une incarcération qui, d’après MdM, intervient en temps normal dans 70 % des cas pour ce genre de public, le suivi proposé par Ailsi pourra entrer en jeu.

Suivi intensif

« Pour être efficace avec ces personnes qui ont de hauts besoins, nous proposons un modèle de suivi intensif », explique Thomas Bosetti. L’idée est donc de s’appuyer sur une équipe médicale capable de prendre en charge leurs besoins de santé, mais aussi de leur trouver un logement, et de les accompagner dans la vie quotidienne. Un programme ambitieux, ce qui explique pourquoi cinq ministères sont impliqués (justice, santé, logement, finances et recherche). Le budget est d’ailleurs en conséquence : 7 millions d’euros pendant cinq ans, pour environ une centaine de personnes prises en charge. « Environ 2 millions sont liés au caractère expérimental du projet », indique Thomas Bosetti. Quant aux 5 millions restants, MdM a calculé qu’ils pouvaient compenser les coûts liés aux incarcérations et hospitalisations qui auraient eu lieu en l’absence du programme si celui-ci parvient à une baisse de la récidive d’au moins 60 %. Pour savoir si ce résultat est atteint, une évaluation confrontera les résultats obtenus à Marseille avec ceux d’une cohorte de 200 personnes comparables du tribunal de Créteil. Reste une question : on commence quand ? À la veille du deuxième tour de l’élection présidentielle, les cinq ministères concernés avaient signé un protocole d’engagement. Mais depuis, les choses semblent avoir stagné. À tel point que chez MdM, on commence à avoir du mal à cacher son impatience. Mais le ministère de la Justice l’assure : tout démarrera au printemps 2018 (voir encadré).

Adrien Renaud

Source : Le Quotidien du médecin: 9630