Troubles bipolaires

Comment traiter les épisodes dépressifs

Publié le 15/12/2011
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Crédit photo : S TOUBON

LES TRAITEMENTS de fond par thymorégulateurs visent à restaurer la thymie tout en évitant d’induire des virages maniaques ou dépressifs. Parmi les trois grandes classes dont nous disposons, tous n’ont pas la même valence. Certains ont plutôt un effet antidépresseur comme la lamotrigine, puis le valproate et le lithium et, dans une moindre mesure, l’olenzapine, ainsi qu’une molécule récente, la quétiapine, qui n’a d’ailleurs l’AMM que dans la dépression bipolaire car elle ne protège pas de l’accès maniaque. Pour les autres molécules comme l’aripiprazole, on ne dispose pas de preuves suffisantes en faveur de son efficacité dans la dépression bipolaire.

Associer ou non un antidépresseur ?

« La grande question est de savoir s’il faut ou non prescrire un antidépresseur au cours d’un épisode dépressif dans le cadre d’un trouble bipolaire. La seule certitude que l’on ait est qu’il ne faut pas le prescrire en monothérapie, mais uniquement en association avec un thymorégulateur » explique le Dr Guillaume. Mais le débat sur son intérêt est loin d’être clos. Une étude américaine publiée il y a trois ans ne relève aucun intérêt à l’association tandis que l’expérience clinique et d’autres données moins structurées suggèrent une certaine efficacité.

Il n’y a pas non plus de consensus déterminant la durée du traitement par antidépresseur. Généralement, on ne l’instaure que le temps de l’épisode dépressif et on l’arrête beaucoup plus rapidement que dans la dépression unipolaire, pour éviter un virage maniaque, dont le risque se situerait essentiellement au cours des trois premiers mois. Le traitement sera d’autant plus court en cas d’antécédents d’épisodes mixtes, de cycles rapides et on tendra à le maintenir plus longtemps chez des patients qui ne font pratiquement plus que des épisodes dépressifs.

L’épisode dépressif pourquoi ?

La décision thérapeutique s’appuie aussi sur une évaluation soigneuse des facteurs favorisants de l’épisode. La mauvaise observance thérapeutique est le plus souvent en cause, mais il faut aussi interroger les événements de vie familiaux ou socioprofessionnels, la prise de substances et en particulier d’alcool. Il peut s’agir d’une évolution de la maladie avec le phénomène « d’embrasement », c’est-à-dire que plus un patient a fait de crises, plus il risque de récidiver d’où l’enjeu que représente la prise en charge de ces épisodes dépressifs. La stratégie est débattue, mais en cas d’imprégnation alcoolique on tend à sevrer le sujet avant de réévaluer son état clinique deux à trois semaines plus tard. Lorsqu’il n’existe pas de facteur explicatif, on s’oriente plutôt vers une modification du traitement de fond en privilégiant les molécules à action antidépressive. On observe souvent une transition vers un épisode dépressif au décours d’un accès maniaque, mais il est difficile de savoir s’il est la conséquence de l’accès maniaque ou s’il est lié au fait que les patients se rendent compte a posteriori des conséquences de leur accès. « Quoi qu’il en soit la phase post-maniaque est une période à risque de dépression et de suicide » insiste le spécialiste.

L’accompagnement thérapeutique.

Enfin les traitements non médicamenteux gardent toute leur place aussi bien dans le traitement des épisodes dépressifs d’intensité légère à modérée que dans la prévention des rechutes maniaques et dépressives : thérapies cognitivocomportementales, interpersonnelles, aménagement des rythmes sociaux.

D’après un entretien avec le Dr Sébastien Guillaume, CHU de Montpellier.

P.LLorca et al, Recommandations Formalisées d’Experts (RFE), Dépistage et prise en charge du trouble bipolaire, L’Encéphale (2010) Supplément 4, S86–S102.

NICE issues new guidance to improve the treatment of bipolar disorder BMJ 2006, Jul 29; 333 (7561): 220.

Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT) and International Society for Bipolar Disorders (ISBD) collaborative update of CANMAT guidelines for the management of patients with bipolar disorder: update 2009. Bipolar Disord 2009; 11 (3): 225-55.

Conflits d’intérêt : Interventions ponctuelles pour les laboratoires BMS, Eutherapie, Astra-Zeneca et Janssen.

  Dr MAIA BOVARD-GOUFFRANT

Source : Bilan spécialistes