Allergie médicamenteuse

Conseiller une exploration allergologique

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Publié le 15/03/2018
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« Tout médecin devrait rechercher dans ses bases de données ses patients ayant une allergie médicamenteuse, remplacer le terme allergie par suspicion d’allergie, conseiller au patient une exploration allergologique et écrire dans le dossier qu’il a conseillé au patient cette exploration. Ne pas l’avoir fait pourrait être opposable dans les années à venir » met en garde le Pr Demoly.

Les plus grands pourvoyeurs d’allergie/hypersensibilités médicamenteuse sont connus : bêta-lactamines, AINS (dont le paracétamol) et anesthésiques.

La résistance aux antibiotiques augmente. Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases indiquait en 2017 que : « La mortalité mondiale liée à la résistance aux antibiotiques pourrait être multipliée par 10 d'ici 2050 si des mesures ne sont pas prises… ». L’utilisation inappropriée des antibiotiques entretenue par les faux diagnostics d’allergie médicamenteuse (10 % des carnets de santé) contribue à augmenter les résistances aux antibiotiques. « Lorsqu’un patient signale une allergie à la pénicilline, si on doit lui prescrire des antibiotiques, ce sera d’emblée des antibiotiques de 2e ligne, grands sélecteurs de résistances », rappelle le spécialiste.

Le Pr Demoly souligne deux attitudes délétères en cas d’allergie supposée aux bêta-lactamines : « ne pas croire à l’allergie (cela revient à jouer à la roulette russe : si 8 fois sur 10 il ne se passe rien, il suffit d’un patient réellement allergique pour le mettre en danger) ; être protecteur, contourner le problème et prescrire des macrolides (car le jour où l’infection se complique, c’est trop tard… mieux vaut explorer quand le patient va bien) ».

L’intérêt d’une exploration allergologique

Pour 10 suspicions d’allergie médicamenteuse, seules 2 allergies seront prouvées chez l’adulte, 1 seule chez l’enfant. Le premier service que l’allergologue rend au patient et à son médecin est donc le plus souvent d’éliminer l’allergie et de redonner confiance vis-à-vis de la molécule à laquelle le patient croit être allergique. Et si l’allergie médicamenteuse est avérée ? Ne pas prendre le médicament était autrefois la seule option. Aujourd’hui l’allergologue peut trouver des solutions. « Il peut préciser le mécanisme impliqué, la partie de la molécule responsable de l’allergie et souvent préconiser une autre molécule de la même famille à laquelle le patient n’est pas allergique. S’il n’y a pas d’alternative à cette molécule, soit le patient n’a pas besoin de la molécule et l’évite, soit il en a besoin et il est possible de le désensibiliser », explique le spécialiste. Une désensibilisation peut par exemple être proposée au malade infecté par Helicobacter pylori en échec thérapeutique et allergique à l’amoxicilline. La désensibilisation est indiquée en cas d'infection pyocyanique chez un patient atteint de mucoviscidose et allergique à la pipéracilline. Elle peut être préconisée chez une patiente atteinte de cancer de l’ovaire et allergique à un sel de platine (si un des 2 autres sels de platine ne convient pas).

« Il est important d'informer le patient quand il va bien qu'un diagnostic précis de son allergie médicamenteuse est possible. A fortiori s'il est étiqueté allergique aux bêta-lactamines et qu'il présente une pathologie chronique prédisposant aux infections (diabète, asthme, BPCO…) », invite à retenir le Pr Demoly.

 

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9648