Cystites de la femme

De nouvelles recommandations pour lutter contre la multirésistance

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Publié le 09/02/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Le risque de multi-résistance aux antibiotiques au cours d’infections urinaires bactériennes devient perceptible en ville et impose de revoir les recommandations de prescription antibiotique pour rester efficace tout en limitant l’escalade vers la multi-résistance », souligne le Dr Manuel Étienne, infectiologue au CHU de Rouen.

En ville, selon le terrain, le taux de résistance antibiotique peut atteindre 10 % pour les céphalosporines de 3génération (C3G) et 25 % pour les fluoroquinolones. Leur utilisation large est remise en cause.

Limiter la pression de sélection

Trois critères principaux ont été retenus dans les nouvelles recommandations : efficacité, tolérance et faible impact sur le microbiote (faible pression de sélection de souches résistantes). « Les fluoroquinolones (à forte pression de sélection) aggravent l’escalade vers la résistance : elles n’ont quasiment plus de place pour le traitement des cystites (actuellement en troisième intention dans la cystite aiguë simple et en deuxième intention dans la cystite aiguë à risque de complication) », précise le Dr Étienne. Limiter le recours aux fluoroquinolones dans les cystites est d’autant plus simple que la fosfomycine-trométamol et le pivmécillinam sont des alternatives dont l’efficacité et la tolérance sont démontrées, et à moindre impact sur le microbiote.

L’importance de l’interrogatoire

Depuis longtemps, les recommandations distinguent les cystites « simple » et « à risque de complication », selon l’existence (ou non) de facteurs de risque de complications : anomalie(s) des voies urinaires, fragilité(s) liée au terrain (grossesse, insuffisance rénale chronique, immunodépression, sujet âgé). « La distinction entre ces deux formes permet par l’interrogatoire d’anticiper les taux de résistance et d’échec, et donc d’améliorer la pertinence des choix thérapeutiques », explique le Dr Étienne. Ainsi, le traitement probabiliste par fosfomycine – trométamol, ou pivmécillinam, est justifié dans la cystite simple due à 90 % à des E. coli très sensibles, mais d’efficacité aléatoire dans la cystite à risque de complication (pathogène en cause difficile à prédire, taux de résistance plus élevé). En pratique, toute cystite de la femme fait pratiquer une bandelette urinaire, vérifier l’absence de grossesse et rechercher un facteur de risque complication.

La cystite simple se traite en probabiliste. La présence de facteur(s) de risque de complication, fait pratiquer un ECBU et temporiser la prescription antibiotique (hydratation, paracétamol) jusqu’aux résultats de l’ECBU. « De nombreuses femmes préfèrent maintenant éviter ou différer la prise d’antibiotiques. Mais si la patiente est très symptomatique et ne peut attendre, un traitement probabiliste (par nitrofurantoïne en 1re intention) peut être donné, il faudra ensuite vérifier la sensibilité de la souche avec l’ECBU », préconise le Dr Étienne.

ECBU chez la femme enceinte

Dans les cystites récidivantes, après s’être assuré de l’absence de facteur favorisant (prolapsus, résidu post mictionnel, trouble de la fonction vésicale, etc..), hydratation, mictions fréquentes, canneberge… limitent le plus souvent les récidives. Si ces mesures sont insuffisantes, un traitement au cas par cas (notamment par fosfomycine-trométamol) est recommandé. De rares formes plus fréquentes peuvent justifier d’un traitement au long cours, par fosfomycine-trométamol, ou trimethoprime, molécule récemment réhabilitée et dépourvue des effets indésirables du sulfaméthoxazole. Chez la femme enceinte, l’ECBU est systématique avant traitement mais aussi 8 jours après l’arrêt, pour vérifier la stérilisation des urines. En effet, la grossesse et la chirurgie urologique prévue sont les deux seules situations dans lesquelles une colonisation urinaire (bactériurie sans symptômes) doit être traitée. À noter, des sites internet utiles pour rester à jour des recommandations : infectiologie.com et son guide thérapeutique « epopi.fr » (33 euros/an), et antibioclic.com (département de médecine générale de la faculté Paris-Diderot, gratuit).

 

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9554