C’est arrivé le… 24 janvier 1848

Décès d’Horace Wells, pionnier de l’anesthésie.

Publié le 24/01/2015

Crédit photo : GARO/PHANIE

Horace Wells naquit en 1815 à Hartford, Connecticut, dans une famille puritaine et après avoir longtemps hésité à rentrer dans les Ordres, il entreprit des études de dentiste à Boston. Son diplôme obtenu, il s’installa dans sa ville natale où sa renommée grandit rapidement.

Les effets du protoxyde d’azote

Le 10 décembre 1844, il assista à la conférence d’un jeune chimiste ambulant qui se disait directeur du cirque du Gaz Hilarant, Gardner Quincy Colton, où celui-ci expliquait les effets du protoxyde d’azote. Un des spectateurs, invité par Colton à monter sur l’estrade pour expérimenter le gaz, fit une chute en redescendant de l’estrade, se blessant profondément au mollet avec un clou qui dépassait mais affirma n’avoir pas mal du tout. Horace Wells comprit aussitôt que le protoxyde d’azote était la raison de cette absence de réaction à la douleur. Pour vérifier cette assertion, il se fit extraire, dès le lendemain, une molaire en train de se gâter par son ancien élève Riggs tandis que Colton lui administrait le gaz.

Après que Colton lui ait montré comment préparer l’oxyde nitreux, et avec l’aide de Riggs, il renouvela cette expérience auprès de quinze de ses patients au cours des mois suivants et commença à partager sa technique avec ses confrères. Les résultats qu’il obtint furent publiés dans le Boston Surgical and Medical Journal du 18 juin 1845.

Une extraction dentaire désastreuse

Après ces premières expériences, couronnées de succès, il se rendit à Boston où il rencontra le Pr Warren, chirurgien du Massachusetts General Hospital. Ce dernier le présenta à ses étudiants et lui demanda de faire une démonstration d’extraction dentaire sous anesthésie sur l’un d’eux. La séance se déroula le 20 janvier 1845 et Wells demanda à son auditoire si quelqu'un avait besoin de se faire extraire une dent. Un élève leva la main et après l’avoir examiné, Wells commença sa démonstration. Mais suite à une mauvaise administration du gaz (due vraisemblablement à un défaut matériel), l'étudiant se plaignit d'avoir très mal et les autres étudiants se mirent à huer Wells et à hurler que tout cela n’était qu’une farce (humbug en anglais).

Cette expérience désastreuse marqua un sérieux coup d'arrêt dans l'utilisation du protoxyde d'azote en anesthésie et discrédita même Wells aux yeux de la communauté médicale.

Reconversion en... marchand de tableaux

En 1847, sa mauvaise santé obligea Wells à suspendre ses activités professionnelles et à se reconvertir en marchand de tableaux, activité qui l’emmena en Europe, notamment à Paris qui était alors La Mecque de la médecine. Là, il fit la connaissance de son compatriote Brewster, dentiste de la famille royale, qui l’introduisit auprès des deux Académies. Les lettres annonçant des preuves établissant sa priorité non seulement dans l’inhalation de l’éther ou du protoxyde d’azote « mais dans le principe même qui établit la possibilité de la production de l’état d’insensibilité… » furent lues en février et mars 1847, en plein débat sur l’éthérisation. Mais l’Académie des Sciences avait déjà donné la priorité aux travaux sur l’anesthésie de Jackson et Morton.

Wells attaque deux prostituées avec de l’acide sulfurique

Rentré dépressif à Hartford, Horace Wells ne rouvrit pas son cabinet, vivant chichement du produit de ses conférences sur l’ornithologie. Lorsque le chloroforme fut révélé par Simpson comme un anesthésique de valeur, Wells chercha à l’essayer sur lui-même. Funeste idée ! Il tomba rapidement dans la dépendance et le 21 janvier 1848, en plein délire, attaqua deux prostituées sur lesquelles il jeta de l’acide sulfurique. Arrêté, il mit fin à ses jours le 24 janvier en se tranchant l’artère fémorale, laissant une lettre pour expliquer son geste :

« Je reprends la plume pour finir ce que j'ai à dire. Grand Dieu ! comment en suis-je arrivé là ? Tout cela ne serait qu'un songe? Avant minuit, j'aurais payé ma dette à la nature, et il le faut ; car, quand je sortirais libre demain ; je ne pourrais vivre en m'entendant appeler un malhonnête homme. Et Dieu sait que je ne le suis pas. Ah! ma chère mère, mon frère, ma sœur que vous dirais-je? Mon désespoir ne me permet que de vous dire adieu. Je vais mourir ce soir avec la conviction que Dieu qui connaît tous les cœurs, me pardonnera cet acte terrible. Je vais passer en prière ce qui me reste de temps à vivre. Quel malheur pour ma famille! Et ce qui me cause le plus d'angoisses, c'est de voir mon nom se rattacher à une découverte scientifique qui l'a rendu familier à tout le monde savant. Et maintenant que je puis encore tenir ma plume, il faut que je leur dise adieu à tous ! Oh! mon Dieu pardonnez-moi! Oh! ma chère femme et mon enfant, que je laisse sans moyen d'existence, je voudrais vivre et travailler pour vous ; mais je ne le puis, je deviendrais fou ! Je me suis procuré l'instrument de ma destruction lorsque la personne chargée de me garder m'a permis hier de monter dans ma chambre. »

La France réhabilite Wells

Bien plus tard, la France honorera Wells en reconnaissant son antériorité dans la découverte de l’anesthésie chirurgicale et une statue fut érigée au 1 Square des États-Unis à Paris. Sur le socle, on peut lire : « Au dentiste Horace Wells. Novateur de l’anesthésie chirurgicale » .


Source : lequotidiendumedecin.fr