Pour répondre à des situations du quotidien

Des fiches pour concilier soins et laïcité

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Publié le 02/06/2016
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Le Dr Jean Thévenot n’a pas oublié la situation un peu délicate qu’il a vécue en août 2012. « Un couple s’est présenté en salle d’accouchement en exigeant que la femme soit prise en charge uniquement par des soignantes femmes. Ce jour-là, j’étais le seul à pouvoir faire cet accouchement. Cela n’a pas plu au mari et le climat est devenu très difficile, à la limite de la violence. La femme a gardé son voile durant tout l’accouchement et son mari n’a cessé de tourner autour de nous en priant. Et l’équipe a mal vécu cette intrusion un peu dérangeante de la religion en salle de naissance », raconte ce gynécologue-obstétricien, qui exerce à la clinique Ambroise-Paré à Toulouse et préside le conseil départemental de l’Ordre de Haute-Garonne.

À la suite de cet incident, le Dr Thévenot a décidé de lancer, avec ses collègues de l’Ordre, un groupe de travail sur les soins, la religion et le respect de la laïcité. Ils ont inclus deux imams, deux prêtres, deux rabbins et deux pasteurs ainsi que des représentants des usagers, de l’ARS et de l’Espace de Réflexion Éthique Midi Pyrénées (EREMIP).

L’objectif général était de concevoir des fiches pratiques et faciles à utiliser pour tenter de lever les incompréhensions existant entre les patients et les soignants et d’améliorer la communication, pour prévenir ou mieux gérer les conflits éventuels dans la réalisation des soins. « Une bonne compréhension mutuelle des enjeux permet, au soignant de délivrer une information adaptée, et au patient ou à la famille, de faire un choix réellement éclairé, dans le respect du cadre légal et réglementaire », explique le Dr Thévenot.
Au terme de ce travail, le conseil de Haute-Garonne a publié une série de fiches sur des thèmes très concrets : le principe de laïcité en droit français, la charte de la laïcité dans les services publics, la charte de la laïcité en clinique et hôpitaux privés, la clause de conscience des médecins, le certificat de virginité ou de « défloration », la demande de circoncision pour motif non médical, l’IVG, le diagnostic prénatal, les contraceptions médicalisées, la procréation médicalement assistée, l’interruption Médicale de Grossesse…
« Nous avons fait relire toutes ces fiches aux juristes de l’Ordre national qui a validé le projet. Elles ont été distribuées aux 13 000 médecins de Midi-Pyrénées, ainsi qu’à tous les conseils départementaux et à l’Ordre national. Elles sont accessibles sur notre site internet (1) et on s’efforce de les présenter dans des réunions partout en France dans les milieux médicaux et religieux », explique le Dr Thévenot.
Ces fiches ont vocation à faire comprendre aux soignants, aux patients et aux familles la nécessité de respecter les valeurs et croyances de chacun, tout en préservant l’accès aux soins. « Les imams nous ont dit par exemple, que dans le Coran, il était dit que le croyant devait être soigné de préférence par une personne de même sexe. Mais le Coran dit aussi que la santé passe avant tout le reste. Et ces imams ont expliqué que, s’il n’est pas possible de faire autrement et si l’état de santé de la personne l’exige, elle peut être prise en charge par une personne du sexe opposé », explique le Dr Thévenot.

(1) http://www.ordmed31.org/IMG/pdf/print_28001_om_fiches_x34.pdf 

Antoine Dalat

Source : Bilan Spécialiste