Des spermatozoïdes cultivés in vitro, première mondiale revendiquée par des Français

Publié le 17/09/2015

Crédit photo : Anne-Gaëlle Moulun

Le laboratoire Kallistem vient d’annoncer avoir réussi à cultiver in vitro des spermatozoïdes humains à partir de fragments de testicules, grâce à la mise au point d’un système de culture cellulaire très particulier...

Depuis plus de vingt ans, Philippe Durand, directeur scientifique et co-fondateur du laboratoire lyonnais Kallistem, travaille sur la spermatogenèse.

« Nous avons commencé dans l’unité INSERM de l’hôpital Debrousse en 1993 », raconte-t-il. À l’époque, le chercheur travaillait sur les altérations de la fonction reproductive. « En 50 ans, nous avons observé une diminution de 50 % du nombre de spermatozoïdes par éjaculat, et une augmentation du syndrome de dysgénésie testiculaire », rappelle-t-il. À tel point que « 15 % des couples consultent au moins une fois dans leur vie pour des difficultés à concevoir ».

À l’époque, on soupçonne déjà un lien entre cette baisse spectaculaire de la fertilité masculine et l’effet de toxiques présents dans notre environnement. « Mais à l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement efficace pour les troubles primitifs de la spermatogenèse », insiste Philippe Durand.

Un bioréacteur dérivé de carapaces de crabes

Alors, les chercheurs se sont penchés sur la meilleure façon d’obtenir des spermatozoïdes in vitro et ils ont fini par réussir, chez le rat dès 2013, puis chez le singe, et enfin chez l’humain fin 2014. Concrètement, les scientifiques prélèvent un petit morceau de testicule humain, puis le cultivent pendant 72 jours dans un mini-bioréacteur composé d’un tube d’hydrogel de chitosane, un polysaccharide dérivé de la chitine, que l’on trouve dans les carapaces de crabes ou de crevettes.

Cette technologie, brevetée depuis juin 2015, reproduit le tube séminifère masculin et permet d’obtenir des spermatozoïdes viables en 72 jours. La difficulté principale pour la culture de ces cellules très fragiles est en effet la perte au fil du temps de l’architecture du tube séminifère et notamment des cellules de Sertoli qui nourrissent le gamète. « Pour réussir le processus en entier, il faut donc maintenir cette architecture », souligne Marie-Hélène Perrard, également cofondatrice de Kallistem.

Il reste maintenant à tester la qualité des gamètes obtenus à partir de ces cultures in vitro. Kallistem cherche à lever 2 millions d’euros pour faire de premiers essais chez les animaux. « Nous allons faire des petits ratons et voir s’ils sont normaux, capables de se reproduire et s’ils ont un comportement normal », prévoit Philippe Durand. Avant de passer à des études cliniques, si les fonds le permettent. Cette technologie pourrait notamment servir à aider de jeunes garçons atteints de cancer, dont la fertilité risque d’être altérée par la chimiothérapie. « Nous voulons aboutir à terme à une solution commercialisable sur le marché, à un prix raisonnable », conclut Isabelle Cuoc, présidente de Kallistem.

De notre correspondante Anne-Gaëlle Moulun

Source : lequotidiendumedecin.fr