Médecin traitant
Rôle fondamental du médecin traitant.
Le rôle du médecin traitant est important à toutes les étapes de l’élaboration d’un désir de grossesse, des premières ménarches à la ménopause : rôle d’information sur les chances de grossesse à partir de 35 ans, de prévention de tout déséquilibre hygiénodiététique (tabac, poids, toxiques), d’orientation pour éviter une perte de temps parfois irréversible.
Le désir de grossesse est un problème de couple. Une étiologie masculine est identifiée dans au moins 60 % des couples, isolément (30 %) ou associée à une étiologie féminine (30 %). Le partenaire doit être sollicité médicalement et impliqué psychologiquement.
Épidémiologie
Épidémiologie de l’hypofertilité : facteur temps et facteur âge.
Il est souvent nécessaire de rappeler aux couples la réalité de la fécondabilité naturelle de la femme ; la probabilité mensuelle de conception (fécondabilité) est au maximum de 25 % par cycle, avec une variabilité non négligeable selon la fréquence des rapports (15 % si rapport hebdomadaire contre 65 % si rapport journalier). La qualité et la fréquence des rapports doivent pouvoir être abordée à un moment propice de la consultation. La chance moyenne de concevoir pour un couple sans problème est donc de 60 % à six mois et de 85 % à un an. Au-delà d’un an, la fécondabilité des couples restants n’est que de 12 %. Le temps est donc un facteur non négligeable et le délai de désir de grossesse est à évaluer à l’interrogatoire.
Les références médicales opposables (RMO) confirment qu’il n’y a pas lieu de prescrire ou de pratiquer des explorations pour bilan de stérilité chez un couple ayant des rapports réguliers sans contraception depuis moins d’un an sauf en cas de troubles patents du cycle, de patil en y a pas lieuhologie connue ou suspectée de l’appareil génital, d’un âge de la femme supérieur à 35 ans et cela quel que soit le délai de désir de grossesse.
L’âge est toujours le facteur pronostic le plus important. Il conditionne la prise en charge plus ou moins rapide en assistance médicale à la procréation (AMP) et le taux de réussite quelle que soit la technique utilisée.
Or, L’âge de conception du premier enfant est passé de 25 ans dans les années 1970 à 29,5 ans actuellement.
Si la fertilité féminine est maximale entre 25 et 29 ans (25 %), la baisse s’amorce à partir de 30 ans, s’accélère réellement à partir de 35 ans (12 %) et s’effondre après 42 ans.
Toute femme de 35 ans devrait avoir accès à cette information et donc à un bilan hormonal immédiat en cas de désir de grossesse.
Avant de mettre en avant le facteur temps comme étiologie unique d’une hypofertilité même chez un couple jeune, il faut donc aussi éliminer tout antécédent familial ou personnel qui justifierait des explorations plus rapides.
Antécédents familiaux et personnels
Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques questions à aborder :
- ménopause précoce familiale (mère, grand-mère),
- maladies auto-immunes (diabète, vitiligo, thyroïdite),
- maladies thromboemboliques et/ou troubles de la coagulation,
- fausses couches chez la mère et prise de Distilbène (retiré en 1977),
- retard mental chez un ou plusieurs garçons de la famille (mutation de l’X fragile et possibilité d’insuffisance ovarienne prématurée chez les filles),
- infection pelvienne multipliant les risques de séquelles adhérentielles par 4 en cas de maladie sexuellement transmissible et par 45 en cas de salpingite,
- intervention abdominopelvienne, antécédent de stérilet,
- une interruption volontaire de grossesse (IVG) : elle entraîne 8 à 16 % de risque de synéchies et plus de 3 IVG, plus de 30 % de risque,
- consanguinité éventuelle et toutes pathologies familiales (cardiaques, rénales, digestives) pouvant nécessiter un conseil génétique voir contre indiquer la grossesse.
Cycle menstruel
La connaissance du cycle menstruel peut également inciter à une prise en charge plus rapide. Tout cycle de moins de 27 jours doit évoquer jusqu'à preuve du contraire, une ovulation précoce et une possible insuffisance ovarienne prématurée.
La spanioménorrhée oriente plutôt vers un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) et donc une possible anovulation, qui en dehors d’une surcharge pondérale majeure ne se résoudra jamais spontanément et nécessite un bilan andrologique et métabolique rapide.
L’âge et la cause de la mise sous contraception orale (CO), souvent non arrêtée jusqu’au désir de grossesse, sont à rechercher. Il peut arriver qu’une adolescente en aménorrhée primaire ou secondaire ait démarré une CO sans bilan préalable. Celui-ci doit être fait rapidement à l’arrêt de la CO.
La notion de dysménorrhée d’apparition ou d’aggravation récente doit faire évoquer une endométriose. L’interrogatoire recherche aussi une dyspareunie profonde, une dysurie, des douleurs à la défécation, avec ou sans caractère cataménial.
Poids et fertilité
En France 29 % des femmes sont en surpoids et 12,6 % sont obèses.
L’obésité androïde (rapport taille/hanche › 0.85) est plus particulièrement liée à l’hypofertilité et constitue un facteur aggravant notable dans le SOPK.
Le délai de conception spontanée est altéré de manière significative avec un IMC (poids/taille au carré) supérieur à 27. Le risque de cycle anovulatoire et de fausse couche du premier trimestre est multiplié par trois.
L’obésité grève le pronostic obstétrical, constitue un facteur de tératogénicité et d’augmentation de morbidité moins connu que le risque d’hypertension artérielle gravidique ou de pré-éclampsie.
La prise en charge préalable est donc fondamentale car 90 % des patientes obèses avec réduction de 5 à 10 % de leur poids retrouvent une ovulation spontanée et 78 % seront enceintes.
La prise en charge des problèmes de poids doit faire partie intégrante de la prise en charge de l’infertilité ou même du désir de grossesse. Dans certains pays (Grande-Bretagne), un IMC inférieur à 30 conditionne toute médicalisation, même l’induction d’ovulation.
Une restriction ou une sélection alimentaire (évitement de toutes matières grasses ou protéines), entraînent un déficit qualitatif de l’apport et donc un seuil critique de poids corporel ne permettant pas le maintien de la fonction de reproduction. Comme l’inadéquation entre activité physique et apports quotidiens.
Tabagisme et fertilité
Toutes les études actuelles confirment la relation concordante entre tabagisme et fertilité féminine, naturelle ou en PMA. Il existe une relation de doses à effet certaine. Le seuil est variable mais se manifeste à partir de 10 à 15 cigarettes par jour. L’âge de la ménopause et donc de l’épuisement du stock ovocytaire est avancé en moyenne de deux ans. On assiste au doublement des femmes ménopausées entre 40 et 44 ans par rapport aux femmes témoins non fumeuses. Cet effet est partiellement réversible à arrêt du tabac.
Courbe de température
La courbe de température, bien que semblant archaïque, peut au tout début d’une exploration fournir de nombreuses pistes d’orientation : elle permet d’aborder la fréquence des rapports et le bon « timing » de ceux-ci ; elle dépiste les 20 % de cycles à la régularité irréprochable mais également parfaitement anovulatoires ; elle peut constituer un signal d’alarme majeur en cas d’ovulation précoce, avant le dixième jour. Trois courbes successives sont suffisantes.
Dosages hormonaux et interprétation
Un bilan hormonal minimal est plus ou moins vite réalisé selon les éléments obtenus à l’interrogatoire mais systématique à partir de 35 ans ou devant des troubles du cycle.
Pour être informatif ce bilan doit être réalisé entre le troisième et le sixième jour du cycle. Il comprend au minimum : FSH, LH, estradiolémie, prolactinémie et hormone antimüllérienne (AMH). L’hormone antimüllérienne est actuellement le marqueur biologique le plus fiable et le plus reproductible de la réserve ovarienne tout au long du cycle. Cette glycoprotéine est synthétisée par les cellules de la granulosa des follicules préantraux et des petits follicules antraux (4 à 5 mm). Elle est le reflet du capital folliculaire ovarien génétiquement déterminé. Elle a démontré sa supériorité sur la FSH et sur l’inhibine. Bien que non remboursée par la CPAM (40 euros) elle est fondamentale dans l’évaluation de la réserve ovarienne restante.
Selon l’interrogatoire et l’examen clinique ce bilan sera complété par un bilan androgénique (testostérone, delta 4 androstènedione, 17-OHprogestérone et sulfate de déhydroépiandrostènedione), thyroïdien et métabolique.
Les valeurs considérées comme normales entre J1 et J6 sont : FSH < 9,5 UI/L ; estradiolémie < 50 pg/ml ; AMH › 2 ng/ml. En cas d’OPK la valeur de l’AMH est élevée.
Une augmentation de l’estradiol dès le début de cycle est en faveur d’une dysovulation par ovulation précoce et donc maturation ovocytaire trop rapide, souvent révélatrice d’une baisse précoce de la réserve ovarienne.
L’élévation de la 17-OH-progestérone au-dessus de 10 mg est spécifique d’un déficit surrénalien en 21-hydroxylase. Le sulfate de déhydroépiandrostènedione est produit exclusivement par les surrénales et une élévation significative oriente vers une tumeur virilisante surrénalienne.
La prévalence des dysthyroïdies est augmentée chez les femmes infertiles et ne doit pas être négligée.
Échographie ovarienne et pelvienne
Réalisée idéalement entre J3 et J4, le compte des follicules antraux (CFA) compris entre 4 et 10 mm, complète le dosage d’AMH. Une réserve ovarienne satisfaisante est constituée par au moins 7 follicules par ovaire. En dessous, on doit évoquer une insuffisance ovarienne à interpréter en fonction de l’âge de la patiente. Un CFA supérieur à 12 follicules par ovaire et/ou un volume ovarien supérieur à 10 cm3 oriente vers un SOPK.
L’échographie permet l’évaluation de la cavité utérine (fibromes éventuels et leur retentissement sur l’implantation) et élimine la présence d’endométriome en cas de dysménorrhée importante.
Conclusion
Tout questionnement sur un désir de grossesse doit être entendu. Avant de rassurer un couple même très jeune, l’interrogatoire s’assurera de l’absence de tout antécédent personnel ou familial pouvant compromettre la fertilité naturelle. Il recherche un éventuel trouble du cycle sans oublier l’exploration du partenaire, ainsi que les règles hygiénodiététiques de base.
Au moindre doute, ou systématiquement si la femme a plus de 35 ans, un bilan hormonal et une échographie de début de cycle, orientés par la clinique doivent être effectués.
Ce bilan oriente la prise en charge éventuelle et permet d’éviter une perte de chance parfois irréversible.
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