Diabète insulinodépendant : des avancées très prometteuses

Publié le 03/01/2001
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• L'espoir des autogreffes d'îlots pancréatiques
Rappelons tout d'abord les résultats très encourageants de l'étude menée par deux équipes américaines et publiée dans « Nature Medicine » (1). Ces chercheurs ont réussi à cultiver pendant trois ans des cellules épithéliales tout d'abord de canaux pancréatiques prélevés sur des souris adultes prédiabétiques NOD (Non Obese Diabetic) et obtenu des cellules fonctionnelles d'îlots (de type alpha, bêta et gamma). Puis ils ont administré 300 îlots sous la capsule rénale de souris NOD diabétiques, sous insuline depuis trois semaines. Après arrêt de l'insuline, les auteurs ont observé une semaine plus tard une chute de moitié de la glycémie et la disparition du diabète. En outre, aucune des souris greffées n'a développé de diabète, bien que les cultures d'îlots proviennent de souris prédiabétiques. En transposant ces observations chez l'homme, il serait donc possible de cultiver des cellules issues d'une partie de pancréas provenant d'un sujet avec diabète précoce et d'en obtenir assez pour réaliser une autogreffe et traiter son propre diabète. Un autre intérêt de cette technique serait la possibilité de trouver une alternative au trop faible nombre d'îlots prélevés sur le cadavre (allogreffe). La technique des cellules souches représente donc un énorme potentiel pour la production d'îlots pancréatiques, permettant d'éviter le recours au traitement antirejet nécessaire dans le cadre des allogreffes.
• Greffes chez l'homme : la réussite canadienne
Face à ces observations très prometteuses chez la souris, un important travail canadien mené chez l'homme a montré la possibilité d'obtenir la rémission prolongée d'un diabète de type 1 après greffe d'îlots pancréatiques et traitement antirejet sans corticoïdes. Les résultats de ce travail présentés en juin 2000 au congrès de l'ADA (American Diabete Association) et publiés dans le NEJM (2) représentent d'ores et déjà un grand succès pour les sept patients traités par l'équipe de James Shapiro (université d'Alberta, Edmonton, Canada).
Deux éléments importants ont présidé au succès du traitement : la transplantation d'un très grand nombre d'îlots de très grande qualité et un traitement antirejet, quasi dénué de toxicité pour les îlots ( sans corticoïdes et avec de faibles doses de tacrolimus). La transplantation de ces îlots a été effectuée immédiatement après préparation et la greffe a été réalisée par voie transhépatique percutanée pour atteindre la veine porte. A noter qu'une deuxième greffe a été effectuée chez six des sept patients au bout de 29 jours en moyenne. Avec un recul moyen de 11,9 mois, les résultats étaient les suivants : aucune survenue d'un épisode hypoglycémique (d'où une amélioration considérable de la qualité de vie), diminution des besoins en insuline dès la première transplantation, régression de la labilité du contrôle glyquée, normalisation de l'hémoglobine glycosylée, suppression de l'insuline chez tous les patients.
En outre, les auteurs ont remarqué que l'utilisation d'un protocole immunosuppresseur sans corticoïdes chez les diabétiques de type 1 a permis de supprimer l'insuline rapidement et de façon soutenue.
• Vers la production d'insuline par les hépatocytes
Il est clair que la transplantation de pancréas ou d'îlots de Langerhans est l'approche thérapeutique la plus prometteuse pour le diabète de type 1. Toutefois se posent les problèmes de disponibilité d'organes ou de tissu, de compatibilité et d'immunosuppression. C'est en ce sens que certaines équipes ont envisagé, comme alternative, la reprogrammation de cellules autologues pour produire de l'insuline in situ. Une équipe israélienne (3) s'est intéressée aux cellules hépatiques comme cellules cibles d'une reprogrammation, pour deux raisons. D'une part, la même origine endodermique des cellules bêta et des hépatocytes permet de supposer que l'obtention de l'interconversion phénotypique sera plus aisée qu'entre des types cellulaires plus distants. D'autre part, les hépatocytes sont les seules cellules de l'organisme à partager avec les cellules bêta un système de transporteur du glucose et de kinases (nécessaires à la régulation des processus glucose-dépendants dans le pancréas).
Néanmoins, la reprogrammation des cellules hépatiques en cellules bêta est compliquée et le mérite de l'équipe israélienne est d'avoir élaboré un modèle biologique d'expérimentation dont les résultats valident les conceptions sur les gènes homéotiques. Le gène unique, transféré, est un gène homéogène qui contrôle le développement et la différenciation cellulaire. De ce gène, il est possible d'attendre des effets de régulation en cascade, et notamment une dépression des gènes exprimés dans la cellule où ce gène homéotique s'exprime aussi normalement. De fait, les chercheurs sont parvenus à montrer que toute une série de gènes semble avoir été déprimés sous l'effet d'un gène homéogène (PDX-1) de rat, en principe spécifique du développement pancréatique. Néanmoins, le transfert de gène est une manœuvre expérimentale et, si le concept de reprogrammation des cellules autologues paraît plausible, il ne permet en rien d'envisager une piste thérapeutique. Par ailleurs, il reste à étudier le parallélisme des réponses insuliniques à des cellules bêta et à des hépatocytes « reprogrammés », ainsi que le problème de la vulnérabilité de ces hépatocytes vis-à-vis de l'auto-immunité qui a détruit les cellules bêta.
• Les bénéfices durables d'une insulinothérapie intensive
Sur un plan clinique, l'essai DCCT (Diabetes Control and Complication Trials) (4) montre que l'insulinothérapie intensive diminue le risque de complications microvasculaires chez les sujets ayant un diabète de type 1, bénéfice qui se maintient quatre ans après l'arrêt de l'étude.
En effet, la poursuite du traitement intensif (prise en charge en ville), avec des injections multiples d'insuline, a été proposée à l'arrêt de l'essai DCCT pour l'ensemble des patients. Ce qui a permis aux auteurs de suivre les participants avec un bilan annuel. D'où l'étude EDIC (Epidemiology of Diabetes and Complications) qui a permis d'évaluer l'évolution selon le bras de randomisation initial (traitement conventionnel avec 1 ou 2 injections/j d'insuline ou insulinothérapie intensive, soit en augmentant les injections à 3/j minimum, soit en utilisant une pompe à insuline). Les patients ayant bénéficié du traitement intensif avaient, en début d'étude EDIC, une fréquence réduite de rétinopathie et de recours à une photocoagulation avec des microalbuminuries diminuées de moitié par rapport aux sujets ayant reçu un traitement conventionnel. Autre bénéfice de cette stratégie intensive : un meilleur contrôle de l'hémoglobine glyquée (7,2 % versus 9,1 %). En revanche, les résultats à la fin de l'étude EDIC se révèlent moins nets avec un amenuisement de la différence en termes de contrôle glycémique. Toutefois, l'évolution clinique est meilleure dans le premier groupe avec une prévalence de la rétinopathie et des [191]dèmes maculaires significativement moindres et une diminution de 76 % du risque d'aggravation d'une rétinopathie. Après les quatre années de surveillance, la progression de l'atteinte oculaire n'a concerné que 18 % des patients ayant reçu un traitement intensif contre 49 % du groupe traité en conventionnel. C'est dans l'ensemble des sous-groupes définis par le stade de la rétinopathie (à la fin de l'étude DCCT comme à son début) que la différence est mise en évidence. En effet, parmi les patients exempts d'atteinte rétinienne à la fin de la première étude, 16 % des patients sous traitement conventionnel ont développé une rétinopathie au cours des quatre ans de l'étude EDIC, contre seulement 6 % des patients sous traitement intensif, c'est-à-dire une diminution du risque de 66 %. Ce risque est diminué de 76 % chez les patients qui avaient simplement des microanévrismes et de 83 % chez ceux qui avaient une rétinopathie non proliférative. Dans les cas les plus sévères, la progression est plus fréquente dans les deux groupes mais la différence reste significative (42 % versus 22 %). Enfin, durant ces quatre années, une photocoagulation a été nécessaire pour 6 % des patients sous traitement conventionnel contre 1 % des patients de l'autre groupe. Un autre bénéficiaire du meilleur contrôle de la glycémie est le rein avec une diminution de 53 % du risque d'atteinte rénale chez les patients sous insulinothérapie intensive.
• Les promesses de l'insuline inhalée
Les essais d'insuline inhalée font suite aux tentatives passées d'insulinothérapie par voie nasale, infructueuses en raison de la faible surface de la muqueuse nasale et de l'irritation induite par les solvants contenus dans la préparation d'insuline. C'est alors que les chercheurs se sont intéressés à l'administration intrapulmonaire directe, voie d'administration facilitée par les dispositifs déjà rodés dans d'autres pathologies comme l'asthme. L'objectif de l'administration intrapulmonaire est d'amener les molécules d'insuline au niveau de l'alvéole pulmonaire dont la surface est immense (l'équivalent d'un terrain de tennis) et dont l'absorption est facilitée grâce à la vascularisation très riche de la barrière alvéolaire. Il s'agit donc de réaliser des particules d'insuline très fines, de sorte que l'inhalation profonde permette leur répartition homogène au niveau du tissu pulmonaire. C'est ainsi qu'un tiers environ de l'insuline ne passe pas les voies aérodigestives et les deux tiers parviennent au poumon. En définitive, 15 % de l'insuline administrée est absorbée.
Selon les résultats communiqués lors du congrès ADA à San Antonio, l'inhalation de l'insuline entraîne un pic d'insulinémie précoce et puissant suivi d'une phase de décroissance assez rapide, caractéristique pharmacocinétique voisine de celle des insulines ultrarapides (LISPRO). L'insuline inhalée se révèle donc très intéressante pour une administration en période préprandiale, permettant de réduire les hyperglycémies postprandiales. Par ailleurs, des tests effectués en phase II chez les diabétiques de type 1 et 2 ont montré des résultats sur l'équilibre glycémique et l'hémoglobine glyquée identiques aux effets rapportés avec les doses équivalentes d'insuline sous-cutanée. En outre, on constate une très nette baisse de l'hémoglobine glyquée à trois mois chez les patients de type 2 (non traités auparavant par de l'insuline sous-cutanée) qui ont bénéficié de l'insuline inhalée. Enfin, une évaluation très régulière des éventuelles variations fonctionnelles et anatomiques pulmonaires n'a jusqu'alors décelé aucune anomalie. A noter que l'utilisation de l'insuline inhalée est possible en cas de troubles ORL supérieurs, contrairement aux insulines nasales. Toutefois, l'insuline inhalée n'a pas encore été testée chez des sujets atteints d'affection pulmonaire haute ou chronique ou chez les fumeurs. Des essais de plus grande envergure sont prévus dans les années à venir avant une éventuelle mise sur le marché.

(1) « Nature Medicine », mars 2000, pp. 278-282 et 250-251.
(2) « New England Journal of Medicine », 27 juillet 200, pp. 230-238 et 289-290.
(3) « Nature Medicine », Ferber et coll., vol. 6, n° 5, mai 2000.
(4) « New England Journal of Medicine », The Diabetes Contral and Complications Trial/Epidémiology of Diabetes Interventions and Complications Research Group, 1er février 2000, pp. 381-389.

Succès d'une greffe chez l'homme au Canada

Face à ces observations très prometteuses chez la souris, un important travail canadien mené chez l'homme a montré la possibilité d'obtenir la rémission prolongée d'un diabète de type 1 après greffe d'îlots pancréatiques et traitement antirejet sans corticoïdes. Les résultats de ce travail présentés en juin 2000 au congrès de l'ADA (American Diabete Association) et publiés dans le NEJM (2) représentent d'ores et déjà un grand succès pour les sept patients traités par l'équipe de James Shapiro (université d'Alberta, Edmonton, Canada).
Deux éléments importants ont présidé au succès du traitement : la transplantation d'un très grand nombre d'îlots de très grande qualité et un traitement antirejet, quasi dénué de toxicité pour les îlots ( sans corticoïdes et avec de faibles doses de tacrolimus). La transplantation de ces îlots a été effectuée immédiatement après préparation et la greffe a été réalisée par voie transhépatique percutanée pour atteindre la veine porte. A noter qu'une deuxième greffe a été effectuée chez six des sept patients au bout de 29 jours en moyenne. Avec un recul moyen de 11,9 mois, les résultats étaient les suivants : aucune survenue d'un épisode hypoglycémique (d'où une amélioration considérable de la qualité de vie), diminution des besoins en insuline dès la première transplantation, régression de la labilité du contrôle glyquée, normalisation de l'hémoglobine glycosylée, suppression de l'insuline chez tous les patients.
En outre, les auteurs ont remarqué que l'utilisation d'un protocole immunosuppresseur sans corticoïdes chez les diabétiques de type 1 a permis de supprimer l'insuline rapidement et de façon soutenue.

Dr Martine ANDRÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6828