THM chez la femme hystérectomisée

Effet favorable des estrogènes entre 50-59 ans

Publié le 21/04/2011
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Crédit photo : PHANIE

Quotidien du Médecin : L’article publié par Andrée Lacroix et coll. Dans le JAMA* remet-il en cause les conclusions pessimistes de l’étude WHI ?

Michèle Lachowsky : Ces conclusions ont été maintes fois mises en cause quant aux résultats de la branche s’intéressant aux femmes traitées par l’association estrogènes équins et médroxyprogestérone acétate, mais sans que les médias semblent s’y intéresser. Les résultats des études françaises E3N et ESTHER, les publications des auteurs mêmes de la WHI concernant l’âge de prise en charge sont passées inaperçues tant pour le grand public que, malheureusement, pour beaucoup de nos confrères.

La notion de « fenêtre d’intervention » est capitale, elle est prônée par les sociétés savantes comme l’International Menopausal Society (IMS), l’European Menopausal Society (EMAS), la North American Menopausal Society (NAMS) et, bien sûr, l’Association Française pour l’Étude de la Ménopause (AFEM), qui ont déjà précisé que le THM avait une action différente sur le système cardio vasculaire selon qu’il était prescrit chez des femmes rapidement après leur ménopause ou à distance de celle-ci.

Quel est le message de cette dernière publication ?

Les auteurs se sont intéressés à cette catégorie de femmes ménopausées n’ayant plus leur utérus, et elles sont nombreuses aux États-Unis. Le suivi a été de 10,7 ans et les CEE utilisés pendant 5,9 ans en moyenne. L’équipe a pu ainsi apprécier l’état de santé de ces patientes pendant et après l’arrêt du traitement. Les critères du suivi étaient les maladies cardiovasculaires (MCV), les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les maladies veineuses thromboemboliques (MVTE), les fractures du col du fémur, le cancer colorectal, la morbidité, la mortalité totale et, bien sûr, les cancers du sein.

Pendant la prise du traitement, les auteurs n’ont pas constaté d’effet positif ou négatif sur les MCV, les MVTE, les AVC, les fractures du col du fémur, le cancer colorectal et le taux de mortalité total. En revanche, la diminution du risque de survenue du cancer du sein a été confirmée. Avec un suivi 10,7 années, en évaluant les CEE contre un placebo : 23 % de réduction (HR : 0,77 ; 95 % CI, 0,62 – 0,95).

Un communiqué de la NAMS précise d’ailleurs que cette diminution de l’incidence du cancer du sein doit s’appliquer à toutes les femmes ménopausées, quel que soit l’estrogène utilisé. Cet effet persisterait à long terme, mais la protection à l’arrêt du traitement reste inconnue. Ces résultats s’appliquent également aux femmes de faible poids. L’IMC n’a pas d’incidence, contrairement à ce que l’on pensait.

Néanmoins, si l’on se réfère aux femmes de 50 à 59 ans, il semble y avoir un effet favorable de la prise d’estrogènes sur la survenue de MCV ou du cancer colorectal. Par exemple sur 10 000 femmes traitées, il y aurait 12 crises cardiaques en moins, 13 décès en moins et 18 incidents divers en moins. En revanche, après 70 ans, ces chiffres sont complètement différents : 16 crises cardiaques en plus, 19 décès en plus et 48 incidents divers en plus.

Mais n’oublions jamais que, pour nos patientes, chiffres et pourcentages n’ont pas du tout la même « évidence » que pour nous.

Que recommander à la lecture de ces résultats ?

Comme mes collègues anglo-saxons, je pense qu’il faut toujours informer nos patientes et leur permettre de « digérer » ces données. Il leur faut du temps et nous sommes dans un domaine sans urgence. Même la fameuse et capitale fenêtre d’intervention peut attendre !

Une femme hystérectomisée doit être avisée du risque éventuel de MVTE et d’AVC pendant la prise du THM, mais il faut aussi la prévenir que l’âge est un facteur important. Il faut lui parler du cancer colorectal, de la mortalité et de la morbidité générale, lui dire que l’arrêt du traitement provoque une augmentation de ces items. Lui parler, enfin, de l’absence de risque de survenue de cancer du sein pendant la prise d’estrogènes. Les mécanismes liés à cette diminution du risque de cancer du sein et des accidents coronaires restent à élucider.

* JAMA, 6 avril 2011, vol 305, n° 13.

Dr LYDIA MARIÉ-SCEMAMA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8947