Un bébé secoué aurait la faculté de récupérer car il est souple ; des signes de maltraitances précédentes seraient minimisés ; les symptômes d’un secouement se manifesteraient au bout de 24 ou 48 heures... ces exemples d’une relative méconnaissance, d’une difficulté à poser le diagnostic, voire d’un certain déni des professionnels de santé, devant la réalité du syndrome du bébé secoué, ont été donnés durant cette première journée universitaire de pédiatrie médico-légale à Nantes.
Des recommandations de la commission d’audition publique sur le syndrome du bébé secoué ont été émises en mai 2011. Selon la Haute Autorité de santé le phénomène concernerait 180 à 200 très jeunes enfants par an. Un chiffre certainement sous-évalué. Outre cet état des lieux de la connaissance médicale établi par la HAS qui permet de définir les critères médicaux diagnostiques, le Dr Caroline Rey-Salmon, pédiatre, médecin légiste aux urgences médico-judiciaires de l’Hôtel-Dieu à Paris et expert près de la cour d’appel de Paris, a pu partager avec les professionnels ses constatations de terrain. Elle est co-auteur d’un article sur le sujet publié en 2010 dans Pediatrics qui tente de contrecarrer quelques idées reçues.
Des séquelles importantes et sévères
« On pense souvent que l’enfant peut récupérer car il est souple, relève-t-elle. Or, les séquelles d’un secouement sont très importantes et sévères. Notre étude, effectuée à partir de 112 cas traités, fait état de 29 % de décès. Nous avons montré que les symptômes sont immédiats. Il faut avoir à l’esprit qu’il s’agit d’un geste qui entraîne un mouvement de l’axe cranio-cervical très violent sur un enfant qui a souvent moins de six mois. Le bébé n’est pas un adulte en miniature : il a des particularités anatomiques qui expliquent quelles peuvent être les conséquences de cet acte, comme le poids de sa tête qui représente autour de 10 – 15 % de son corps, contre 3 % chez un adulte. »
L’immédiateté des symptômes, constatés parfois pendant le secouement, ou dans les secondes et minutes qui suivent, doit militer pour un recueil scrupuleux des informations qui permettront de retracer dans le détail l’histoire du traumatisme et, donc, de poser un diagnostic. À un bilan clinique, au scanner cérébral (en première intention), à l’examen ophtalmologique après dilatation, à l’IRM (dès que l’enfant est stable), et aux autres examens nécessaires (comme des radiographies de tout le squelette pour rechercher des fractures), s’ajoute donc le recueil d’épisodes précédents.
Sauver des vies en étant vigilants
« Une histoire incohérente, absente ou non compatible avec les lésions constatées et l’âge de l’enfant, a une grande valeur diagnostique », note la HAS. Dans 55 % des cas étudiés par le Dr Caroline Rey-Salmon, on doit parler de plusieurs épisodes de secouements, avec une moyenne de dix fois. À la question : pourquoi ?, les auteurs du geste répondent : parce que l’enfant arrête de pleurer (près de deux fois sur trois). Répété à plusieurs reprises durant la journée, la raison première d’un secouement semble bien être les pleurs.
Une réalité qui doit alerter sur la possible prévention : « Il faut que les pédiatres et les médecins en général expliquent aux parents qu’un jeune enfant pleure, parfois sans raison », a souligné le Dr Georges Picherot, ancien responsable des urgences pédiatriques au CHU de Nantes et parrain de cette journée.
D’autres éléments doivent interroger la communauté médicale et même au-delà : un quart des cas analysés dans l’étude du Dr Rey-Salmon présentaient des antécédents de lésions traumatiques autres que celles constatées dans le cas d’un secouement. « Les médecins ont dans ces cas pris au sérieux les explications avancées pour une ecchymose sur la joue par exemple… On peut sauver des vies d’enfant en étant plus vigilants », assure-t-elle le médecin.
*Catherine Adamsbaum, Sophie Grabar et Nathalie Mejean, Catherine Adamsbaum, Sophie Grabar et Nathalie Mejean, Abusive Head Trauma: Judicial Admissions Highlight Violent and Repetitive Shaking, Pediatrics, 2010.
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