Espoir face à l’infertilité, le décret ouvrant le don de gamètes aux nullipares est paru au J.O.

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Publié le 15/10/2015

Crédit photo : Phanie

Les femmes (de 18 à 37 ans) et hommes (jusqu’à 45 ans) n’ayant pas encore procréé pourront désormais donner leurs gamètes. Le décret dit « nullipare », attendu depuis la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, est (enfin) paru dans le journal officiel du 15 octobre 2015.

Le donneur nullipare devra nécessairement se soumettre à un ou plusieurs entretiens avec un psychiatre ou un psychologue, afin d’identifier ses motivations et s’assurer qu’elles sont altruistes, et déceler l’existence éventuelle de pressions. Ces entretiens complètent ceux que tout donneur - et son compagnon, le cas échéant - doit avoir avec des membres de l’équipe médicale pluridisciplinaire, destinés à l’informer des règles et lois, des examens médicaux, et des risques et contraintes liés à la stimulation ovarienne et au prélèvement ovocytaire pour les femmes.

Autoconservation partielle en vue d’une éventuelle AMP

Le donneur nullipare pourra conserver « une partie de ses gamètes en vue d’une éventuelle réalisation ultérieure à son bénéfice d’une assistance médicale à la procréation » (AMP), dit le décret. L’AMP doit répondre à une situation d’infertilité dans un couple formé par un homme et une femme, ou permettre d’éviter la transmission à l’enfant d’une maladie particulièrement grave.

En vertu d’une règle de répartition des gamètes entre ceux conservés pour le don et pour soi-même, la nécessité d’obtenir des gamètes en quantité suffisante pour le don prime. Pour les femmes, au moins la moitié des ovocytes matures d’un même prélèvement seront orientés vers le don, précise le décret. La donneuse nullipare devra être informée de « l’éventualité d’une impossibilité de conservation d’ovocytes à son bénéfice en cas d’obtention d’une quantité insuffisante de gamètes », lit-on.

Un arrêté fixant les règles de bonnes pratiques pour l’AMP avec tiers donneur précisera ces règles de répartition des gamètes. Enfin, les donneurs qui ont conservé une partie de leurs gamètes en vue d’une éventuelle AMP devront renouveler chaque année par écrit leur souhait de maintenir cette conservation. S’il ne le souhaite pas, ils le confirment par écrit après un délai de réflexion de trois mois. Les gamètes seront conservés pour un don en cas de décès du donneur ou lorsqu’il dépasse l’âge de procréer.

Une avancée applaudie, avec « prudence »

« Cette avancée aidera de nombreux couples stériles à devenir parents. Elle respecte l’esprit du don qui est d’agir par solidarité et générosité », commente la ministre de la Santé Marisol Touraine.

Selon l’Agence de la biomédecine, 2 673 couples receveurs étaient en attente d’un don d’ovocytes en 2013 ; 419 dons étaient réalisés. Il faudrait 900 donneuses et 300 donneurs en 2015 pour répondre aux besoins.

Le Pr Rachel Lévy, vice-présidente de la fédération nationale des biologistes des laboratoires d’études de la fécondation et de la conservation de l’œuf (BLEFCO) salue la publication de ce décret, « un message fort et un réel progrès en faveur du don d’ovocytes et de spermatozoïdes ».

Elle reste toutefois prudente quant à l’application pratique du texte, appelant à une grande vigilance vis-à-vis des donneuses : « Les consultations avec les psys sont importantes pour s’assurer qu’il n’y a pas d’instrumentalisation de jeunes femmes nullipares, qui ne se projettent pas dans un projet de grossesse », explique-t-elle.

Cette avancée ne doit pas non plus être interprétée comme un encouragement à repousser un projet parental. « L’esprit du législateur est de favoriser le don, non la préservation sociétale. Il ne faut pas oublier qu’il y a un risque de perte d’ovocyte à chaque étape d’une congélation et décongélation d’ovocytes » rappelle le Pr Lévy.


Source : lequotidiendumedecin.fr