Avant le départ

Évaluer son aptitude au voyage en avion

Publié le 11/06/2015
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Sensibilisés au risque de phlébite certains portent des bas de contention, font quelques pas pendant le vol et rejoignent leur siège avec la sensation du devoir accompli. Cela suffit-il ?

En 20 ans de rapatriements sanitaires, le Dr Ghislain Haicault de la Regontais, médecin généraliste à Paris, titulaire d’une capacité de gériatrie, médecine d’urgence et médecine aéronautique a souvent constaté qu’en général « ne tombent malades dans les 48 premières heures de leur voyage que ceux qui partent déjà malade, mais de maladie méconnue et non traitée ou insuffisamment : anémie, HTA, angor… ». Parmi les personnes de 50-65 ans rapatriées, peu avaient consulté leur médecin avant de partir alors qu’elles présentaient des symptômes qui auraient dû les alerter.

« L’avion peut décompenser des pathologies existantes. L’hypoxie-hypobarie expose à l’ischémie silencieuse et le froid de la cabine, au bronchospasme, explique-t-il. Les vols, mêmes longs courriers sont trop courts pour que les patients fassent l’accident pendant le vol. Le changement de rythme de vie après l’atterrissage (décalage horaire, travail ou visites touristiques sans temps de repos) empêche la récupération et peut précipiter la décompensation. »

Un séjour en haute altitude

Les avions de ligne volent en général en régime de croisière à 13 000 mètres d’altitude. L’air raréfié leur permet de consommer moins de carburant. L’altitude-cabine maximale autorisée ne doit pas dépasser les 2 438 m. Elle n’impose pas d’apport d’oxygène pour les passagers mais correspond bien à un séjour en haute montagne. « Les avions montent parfois jusqu’à 2 700 mètres d’altitude-cabine pour cause météo (vents contraires, turbulences en ciel clair...). Peu de personnes réalisent que voler en avion, même de ligne, expose aux risques liés à la pathologie d’altitude, mieux connue sous le terme de "mal aigu des montagnes", dès 1 800 mètres », indique le Dr Ghislain Haicault de la Regontais.

« À 50 ans, l’idée que le corps pourrait ne pas supporter un voyage en avion n’effleure pas l’esprit. Les rares personnes à consulter veulent s’entendre dire que tout va bien », explique le Dr Haicault de la Regontais. D’où l’intérêt d’une approche basée sur l’auto-évaluation.

Le site qu’il a développé www.voyage-aptitude-senior.fr, propose au futur voyageur - senior et plus jeune - un auto-questionnaire lui permettant d’évaluer sa capacité à voyager. Pour le Dr Haicault de la Regontais, « l’idée est de débrouiller le terrain et d’inciter la personne qui va voyager à consulter son médecin traitant si elle répond oui à certains items. Le médecin pourra alors valider ou non l’existence d’une pathologie sous-jacente ». Il précise que « les items de l’auto-questionnaire se retrouvent dans celui du projet d’une consultation gratuite de dépistage à 70 ans (Piette F. et al.). Elle avait montré l’intérêt de ce type d’auto-questionnaire, même quand le patient était régulièrement suivi : on ne dit pas tout à son médecin ».

Anticiper, se protéger est aussi éco-responsable

Être assuré ne signifie pas un rapatriement immédiat en cas de problème. Les sociétés d’assurances traitent sur place, surtout s’il existe une clause d’antériorité. Pour le Dr Haicault de la Regontais « mieux vaut anticiper et prévenir. Il est possible sur certaines compagnies de commander de l’oxygène quand le vol risque de précipiter une pathologie liée à l’hypoxie (anémie, drépanocytose même chez l’hétérozygote…). Et puis, éviter de tomber malade à l’étranger est éco-responsable : les lieux de voyage les plus beaux, souvent peu médicalisés, prennent rarement en charge les déchets de soin ».

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9419