Après les modèles américains Ekso et Indego, l'israélien Rewalk, le néozélandais REX et bientôt Atalante de la start-up française Wandercraft, sans parler des prototypes ambitieux du CEA, les exosquelettes de marche se multiplient et mettent le coup de projecteur sur l'utilisation plus générale des exosquelettes en médecine. Gadgets médicaux ou révolution technologique, qu'apportent les exosquelettes en médecine physique et de réadaptation (MPR) ?
Par exosquelette, il faut entendre un ensemble d'armature mécanique, généralement métallique, placé autour d'un membre afin de guider et d'améliorer le mouvement, le système étant le plus souvent motorisé et équipé d'un logiciel. La frontière entre exosquelette, robot et orthèse est parfois ténue. « Il faut bien distinguer deux types d'exosquelettes en MPR », explique le Pr Isabelle Laffont, du CHU de Montpelllier et chercheuse à l'université de Montpellier au sein du laboratoire Euromov dédié au mouvement.
« Il existe d'un côté des exosquelettes de rééducation, pour le membre inférieur ou pour le membre supérieur, couplés le plus souvent à des jeux virtuels, et de l'autre des exosquelettes de suppléance de la marche pour les personnes paralysées, poursuit-elle. À l'interface de ces deux catégories, des exosquelettes de marche se positionnent pour une double fonction d'assistance et de rééducation, comme Ekso qui a déjà implémenté une forte composante de rééducation et Atalante qui s'y prépare ».
Si les exosquelettes de rééducation sont utilisés depuis environ une vingtaine d'années, les exosquelettes de marche au prix prohibitif sont encore très peu répandus. Développée initialement pour l'armée aux États-Unis et au Japon, la technologie a été appliquée aux blessés de guerre puis aux handicapés. Pour l'instant, seules quelques unités du modèle Rewalk sont disponibles en France.
Une évaluation décevante
Quel recul a-t-on sur les exosquelettes de rééducation, qui sont des machines fixes aujourd'hui ? Une quarantaine d'établissements publics et privés sont actuellement équipés en France. Pour les membres inférieurs, il s'agit essentiellement d'exosquelette avec rééducation sur tapis roulant, le plus répandu en France étant le modèle suisse Lokomat. Pour les membres supérieurs, il existe une très grande variété de modèles, la plupart étant des machines avec poignée pour bouger le bras dans un environnement virtuel à l'aide de jeux vidéo, par exemple Inmotion, Armeo power ou Armeo spring. Par ailleurs, des petits systèmes sont en développement, par exemple pour la main, le genou ou encore le dos (cf. ci-contre).
La barre était très haute quand les exosquelettes sont arrivés. « Au début du Lokomat, on avait l'espoir de réactiver le générateur spinal de marche chez les paraplégiques, cela n'a pas été le cas », se souvient le Dr Agnès Roby-Brami, chercheuse INSERM à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR). Pour la rééducation des membres supérieurs ou inférieurs, les études randomisées et contrôlées de performance ne sont pas concluantes. « Il n'y a pas de preuve absolue de supériorité en termes d'efficacité, en dehors de la phase très précoce au décours d'un AVC », estime Isabelle Laffont.
« L'évaluation est décevante, renchérit le Pr Olivier Rémy-Néris, qui a mené une étude chez 200 patients dans 21 établissements en France sur l'utilisation en rééducation post-AVC (à paraître courant avril). Globalement, aujourd'hui, ces dispositifs ne font pas mieux que ce que font les ergothérapeutes et les kinés, c'est déjà très bien mais ce n'est pas une révolution ».
Dans cette grosse étude comparant l'intérêt du robot par rapport à des exercices réalisés seuls sans aide, l'ensemble des patients suivait une rééducation normale plusieurs heures par jour. « Le temps rajouté de robot n'a pas apporté de bénéfices supplémentaires », explique le Pr Rémy-Néris. À J30 de la fin de la rééducation (membres supérieurs ou inférieurs), les résultats étaient équivalents dans les deux groupes.
Pour le Pr Rémy-Néris, ces outils sont intéressants pour l'intensification de la rééducation. Le Dr Agnès Roby-Brami abonde en ce sens : « L'intérêt essentiel est de rendre le travail plus facile, plus ludique et plus intensif. L'effet quantitatif est très intéressant pour la plasticité cérébrale. Pour le membre supérieur, on peut multiplier par 10 les mouvements actifs lors d'une séance. » Le Pr Laffont ajoute que « la robotique permet d'économiser le temps et la santé des kinés ». Ce à quoi Agnès Roby-Brami renchérit : « Les patients sont attirés par ces nouvelles technologies et les thérapeutes peuvent se spécialiser sur des tâches non réalisables par les exosquelettes. »
Une avance pour les membres supérieurs
Une nuance cependant, les robots du membre supérieur semblent avoir des résultats plus encourageants. « L'amélioration semble un peu meilleure, même s'il est bien difficile de déterminer ce qui est réellement à l'origine de cet avantage, reconnaît le Pr Rémy-Néris. Les études intègrent des robots différents à des phases différentes de prise en charge ». Les jeux vidéos, essentiellement développés pour les membres supérieurs, jouent certainement un rôle.
Pour le Dr Roby-Brami, la différence d'efficacité s'explique en partie par le mode actif aidé, qui est développé pour les membres supérieurs, par exemple avec l'Armeo power ou l'Armeo Spring, mais pas pour les membres inférieurs. « Le patient fait l'effort et le robot l'aide pour des gestes préenregistrés. Le robot s'adapte à ce que le patient peut faire volontairement, le patient peut exprimer sa motricité », précise-t-elle.
Un nouveau champ avec les exos « homme augmenté »
Pour les exosquelettes existants de type « homme augmenté », les spécialistes sont sur la réserve. Pour la fonction d'assistance, les exosquelettes sont encore loin de pouvoir remplacer le fauteuil roulant. « C'est très fatigant, très encombrant et très lourd, estime Agnès Roby-Brami. Cela peut être intéressant en complément. »
Des bénéfices à la station debout sont attendus pour la santé (troubles trophiques fonction digestive, urinaire, ostéoporose, bien-être psychologique). Au-delà, les bénéfices en termes de récupération n'ont pas encore apporté leurs preuves. « L'utilisation en prescription au long cours n'est pas cadrée, explique le Pr Rémy-Néris. Il n'y a encore aucune évaluation. Ces nouveaux matériels ouvrent des perspectives et auront peut-être une place à l'avenir dans des sous-groupes de patients, qu'il reste à définir. C'est le tout début de l'histoire. »