Phobie scolaire ou refus scolaire

Explorer au-delà du symptôme

Publié le 17/09/2015
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Crédit photo : S Toubon

Timothée, 6 ans, crie corps et âme lorsqu’on le dépose à l’école. Juliette, 16 ans, n’arrive plus à se rendre au lycée. Faustine, Eva, Jules (…), tous pour des raisons plurielles, ne parviennent plus à assumer leur rôle d’écolier. Paresseux, rebelles, anxieux, ou victimes de harcèlement ? Peut-être tout à la fois. La phobie scolaire est une manifestation complexe aux origines diverses, personnelles ou environnementales. Nicole Catheline, pédopsychiatre au CHU de Poitiers, s’intéresse depuis le début sa carrière à ce comportement, qu’elle se refuse de réduire à une pathologie : « On fait de ce concept quelque chose de médical alors que l’origine du symptôme n’est pas forcément médicale. »

Parents anxieux, enfants …

Les causes de la phobie scolaire - également appelée refus scolaire - sont diverses, l’anxiété de séparation en tête des étiologies évoquées. Réflexe médical oblige, on cherche une « étiologie ». Et on la trouve, dans bien des situations. Chez l’enfant comme chez l’adolescent, l’anxiété de séparation n’est autre qu’une difficulté d’adaptation au milieu scolaire. Un diagnostic large, donc, qui invite à interroger la qualité du soutien familial. Si ce dernier est présent, réduire l’anxiété…des parents peut aider l’enfant. En revanche, si l’histoire familiale est compliquée (divorce, ruptures, traumatismes, etc.), le refus scolaire peut révéler un réel trouble de la personnalité, dont la gravité n’est parfois perçue qu’au collège ou au lycée. « Ces enfants ont grandi dans une atmosphère anxiogène et ont raté la marche qui mène à une identité solide », explique la pédopsychiatre. Confrontés dès leur plus jeune âge à des difficultés, ils ont dû s’adapter jusqu’au jour où... « Il y a comme un effet-dose. Ils se donnent, ils s’épuisent et finissent par craquer », explique le Dr Catheline. C’est ainsi que du jour au lendemain, certains enfants/adolescents ne peuvent plus bouger, comme si leur bidon d’essence était vidé. « La prise en charge de ce trouble de la personnalité est longue et nécessite une expertise professionnelle », explique la pédopsychiatre. Médiations thérapeutiques, prise en charge en groupe, soutien psychologique (etc.) permettent de nourrir et de renforcer l’assise narcissique de ces jeunes. Dont les parents doivent, bien évidemment, être accompagnés isolément, et avec leur ado.

L’arbre qui cache la forêt

Si l’identification de ces difficultés psychologiques permet d’orienter la prise en charge, elle ne doit pas occulter les facteurs environnementaux. Pas seulement les moqueries des camarades, voire le harcèlement scolaire, mais aussi un mauvais contact avec l’instituteur. Plus tabou à évoquer, cette mésentente peut agir de manière insidieuse sur l’enfant, dont l’estime de soi risque de se fragiliser. Le Dr Catheline est ferme : « Si l’enfant est malmené par son professeur, il faut changer d’établissement. » Toutefois, un trouble des apprentissages, fréquemment associé à un refus scolaire, n’est pas à exclure qu’une cause environnementale soit ou non incriminée. « Les parents vont souvent mettre la cause externe en avant », avertit Nicole Catheline, qui précise : « Certains ne savent pas dire si leur enfant a ou non des difficultés ». D’où l’importance de faire évaluer tout refus scolaire par un professionnel, pédopsychiatre ou pédiatre formé. « Il ne faut pas se contenter de poser des questions. Il faut les faire lire, écrire, compter, observer leurs cahiers, etc. », ce qu’un médecin généraliste n’a bien souvent pas le temps de réaliser.

Troubles associés

Un bilan psychologique (mesure du quotient intellectuel, etc.), aussi, peut s’avérer nécessaire afin de rechercher un trouble associé. En effet, un diagnostic de Haut potentiel intellectuel, de « dys » voire de TDAH (Trouble du déficit Attentionnel avec ou sans Hyperactivité) peut passer inaperçu jusqu’au collègue voire au lycée. Parce que « les enfants compensent leur trouble jusqu’au jour où ils n’y parviennent plus », observe Nicole Catheline. Conséquence bruyante de problématiques moins audibles, le refus scolaire doit être exploré de manière fine. Identifier ses causes permet de lever la culpabilité de l’enfant, qui réagit bien souvent par une auto-dévalorisation. Si les moyens de prises en charge divergent en fonction du diagnostic sous-jacent, la revalorisation des compétences de l’enfant constitue leur visée commune.

Dr A. P.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9433