Faut-il céder à une dictature des données informatiques ?

Publié le 07/11/2016
Article réservé aux abonnés
Hernigou

Hernigou
Crédit photo : DR

Les technologies numériques sont entrées dans nos vies par l’intermédiaire des tablettes, des ordinateurs et des téléphones portables. Puis elles ont pénétré les blocs opératoires par l’intermédiaire des techniques d’aide à l’intervention, comme la navigation assistée par ordinateur, voire la robotique pour d'autres spécialités chirurgicales.

Cette technique numérique s’est introduite progressivement dans nos dossiers médicaux, dans nos salles d’intervention. Elle est un outil puissant qui apporte non seulement un bénéfice indiscutable tant au patient qu'au chirurgien orthopédiste, mais aussi analyse des données réelles au bloc opératoire, et permet l'anonymisation des dossiers de patients.

Jusqu’ici, cette technique était limitée au monde médical. Elle faisait progresser la connaissance au bénéfice du patient.

Mais une autre technique numérique émerge. Elle analyse et cherche à tirer profit du suivi non seulement des actes médicaux et chirurgicaux mais aussi des individualités du patient : les big datas.

Toutes ces données numériques vont constituer des traces inamovibles de tous ordres dans les fichiers informatiques vont être exploitées par différents organismes (organismes d’état, registres, Assurance-maladie) mais aussi par d’autres acteurs économiques tels que les mutuelles et les assurances. Celles-ci risquent de fonder leur modèle numérique sur la captation de ces données (tranche d’âge, pathologie, risque…).

Le service rendu aux patients risque d’être modifié voire détourné par l’accompagnement algorithmique de la médecine de demain. Cette dernière, se fondant sur le plus grand nombre, risque d’opérer une pression sur la décision médicale et humaine de chacun.

Il appartiendra aux acteurs de la chirurgie de demain de vérifier les fichiers en se posant les questions suivantes :

- Quels sont leurs contenus ?

- Que signifient-ils pour les patients ?

- Comment peut-on éviter que la relation chirurgien/patient soit viciée par l’utilisation de ces big datas ?

Nous vivons sans doute un moment critique avec la constitution de tels fichiers et dans leur analyse. C’est vraisemblablement dès maintenant et durant la prochaine décennie que va se constituer une industrie du numérique qui cherchera à soumettre la chirurgie à de telles logiques au détriment de la relation entre le patient et la chirurgie.

Du degré de la mobilisation des générations futures à contrôler un certain nombre de forces divergentes, voire contraires, dépendra la capacité du chirurgien à maintenir son droit d’exercer librement dans cette nouvelle civilisation numérique.

Président du CNP-SOFCOT

Pr Philippe Hernigou

Source : Le Quotidien du médecin: 9532