LES PÉDIATRES réunis au sein de six sociétés savantes (1) ont profité de la présentation de leur prochain congrès (ce sera du 16 au 19 juin, porte Maillot, à Paris) pour s’alarmer, à court terme, des conditions de l’accès aux soins des enfants – « L’enfant, a pris soin de rappeler en préambule le Dr François-Marie Caron, président de l’AFPA (pédiatres libéraux), c’est tout de même un quart de la population. »
L’inquiétude de la profession est alimentée par plusieurs canaux. Le premier n’a rien de neuf ; c’est la situation ambiguë de la pédiatrie en France où le choix politique n’a jamais été fait, comme en Italie par exemple qui compte un pédiatre pour 800 enfants, de faire suivre exclusivement les enfants par des pédiatres. Pas plus qu’il n’a été décidé à l’inverse de ne fonctionner qu’avec des généralistes en suivant le modèle anglo-saxon. Résultat, avec environ un pédiatre pour 5 500 jeunes patients (de 0 à 18 ans), la France est – et a toujours été – dans un « entre-deux », où tous les enfants ne peuvent pas être suivis par un spécialiste.
Les heurs et malheurs de la démographie médicale n’ont rien arrangé. Il y a actuellement quelque 6 500 pédiatres actifs, en majorité hospitaliers. Les libéraux « ont vu fondre leurs effectifs au cours des 15 dernières années », fait valoir le Pr Alain Chantepie, président de la SFP : 500 pédiatres de ville sont partis en retraite sur cette période et n’ont pas été remplacés. Préexistants en ville, les trous de la démographie des pédiatres se sont agrandis et vont continuer de se creuser (1 000 pédiatres ont aujourd’hui plus de 60 ans, 2 300 ont plus de 55 ans ; la France a formé 200 pédiatres par an entre 2000 et 2008, 253 l’an dernier). L’offre de soins en pédiatrie est complètement hétérogène sur le territoire : en Ile-de-France, il y a 90 pédiatres pour 100 000 enfants de moins de 15 ans ; en PACA, ils sont 70 ; en Picardie 35. Les régions où les pédiatres font défaut sont aussi celles que fuient les généralistes qui n’y prendront donc pas plus en charge les enfants.
« Les jeunes médecinsveulent aller dans les villes de plus de 100 000 habitants », constate le Pr Chantepie. L’hôpital a créé ces dernières années des postes de pédiatres (notamment pour s’adapter aux normes des décrets « périnatalité » des années 1990) mais tous ne sont pas pourvus : comme dans d’autres spécialités, les petits centres hospitaliers peinent à recruter. Alain Chantepie, qui exerce au CHU de Tours, cite l’exemple des hôpitaux de Châteauroux et de Bourges, où « le nombre de pédiatres fond à vue d’il », et se fait pessimiste : « Un jour, il va y avoir une crise aiguë. S’il n’y a plus de service de pédiatrie, comment vont fonctionner les maternités. Dans les dix années qui viennent, sans nouvelles mesures, elles vont mourir à petit feu ! » Les menaces qui pèsent sur les hôpitaux pédiatriques (Trousseau, à Paris, est un cas spectaculaire) sont un autre mauvais signal pour la profession : « On en a besoin pour soigner les enfants et pour former les jeunes médecins ! », mettent en garde les sociétés savantes.
(1) La Société française de pédiatrie (SFP), l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), l’Association des anésthésistes réanimateurs pédiatriques (ADARPEF), la Société française des cancers de l’enfant (SFCE), la Société française de chirurgie pédiatrique (SFCP), la Société française d’orthopédie pédiatrique (SOFOP).
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