Hépatopathies gravidiques : testez vos connaissances

Publié le 01/04/2003
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PRATIQUE

1) Ictère des vomissements gravidiques (Hyperemesis gravidarum)

a) Des vomissements importants, répétés, peuvent s'observer au cours du 1er trimestre, chez environ 2 % des femmes.
b) Ils peuvent parfois s'associer :
- à une augmentation des transaminases (environ 15 % des cas), qui reste habituellement inférieure à 250 UI/l ;
- à un ictère (environ 5 % des cas).
c) Ce syndrome récidive rarement au cours des grossesses ultérieures.

2) Cholestase intra-hépatique de la grossesse (CIG)

C'est la deuxième cause d'ictère au cours de la grossesse, après les hépatites virales aiguës.
a) Période de survenue
La CIG survient parfois au 2e, ou plus souvent au 3e trimestre.
b) Manifestations cliniques
- La CIG se manifeste par un prurit.
- Le prurit est isolé ou se complique d'un ictère.
- Il n'y a pas de douleurs abdominales (qui sont fréquentes au cours de la stéatose aiguë gravidique).
c) Anomalies biologiques
Elles comportent :
i) augmentation des transaminases (généralement inférieure à 250 UI/l, mais parfois très importante) ;
ii) augmentation ou non de la gamma GT.
d) Evolution
- La cholestase disparaît une semaine après l'accouchement.
- Elle récidive ou non lors d'une prochaine grossesse.
- Les contraceptifs oraux faiblement dosés en estrogènes ne sont pas contre-indiqués en cas d'antécédent de CIG.
e) Pronostic
- Pour la mère, le pronostic est bon.
- Pour l'enfant, le pronostic est plus réservé :
• prématurité (30 %),
• mort foetale (de 1 à 3 %).
f) Traitement
- Pour la mère, on peut avoir recours à :
i) la cholestyramine (qui risque d'aggraver une carence en vitamine K, d'où le recours éventuel à l'administration parentérale de vitamine K avant la délivrance) ;
ii) l'ursodiol (pas en prise simultanée avec la cholestyramine, qui pourrait chélater cet acide biliaire !).
- Pour l'enfant, si l'on détecte des anomalies du rythme cardiaque, l'accouchement doit être déclenché.
g) Pathogénie
Certaines connaissances sont anciennes, d'autres plus récentes.
On sait depuis longtemps que :
i) certaines populations sont plus exposées que d'autres (pays scandinaves, Chili, Argentine) ;
ii) il existe des cas familiaux ;
iii) il existe une sensibilité accrue aux hormones féminines (estrogènes et progestérone), notamment dans les formes où la gamma GT reste normale.
On a découvert plus récemment le rôle d'un déficit génétique (mutation du gène MDR3), qui entraîne au niveau canaliculaire un déficit d'une protéine de transport des phospholipides dans la bile (notamment dans les formes où la gamma GT est élevée).

3) Anomalies hépatiques de la prééclampsie (toxémie gravidique)

a) Circonstances d'apparition
La prééclampsie peut associer :
- hypertension artérielle ;
- oedèmes ;
- protéinurie.
Elle s'observe au 3e trimestre (2 ou 3 % des cas).
L'atteinte hépatique (fréquente) s'observe peu avant le terme ou après l'accouchement.
b) Symptômes
On observe selon les cas :
- Forme bénigne : une augmentation modérée des transaminases.
- Forme sévère (environ 10 % des cas) : des douleurs abdominales associées au syndrome HELLP (Hemolysis, Elevated Liver enzymes, Low Platelet : hémolyse, augmentation des enzymes hépatiques, thrombopénie).
- La forme sévère peut se compliquer d'infarctus hépatique et d'hématome sous-capsulaire (source de douleurs vives de l'hypochondre droit). L'hématome sous-capsulaire peut se rompre dans le péritoine (triade toxémie gravidique, douleur aiguë, collapsus).
c) Lésions anatomiques sous-jacentes
- Les lésions comportent au minimum un dépôt de fibrine dans les sinusoïdes, entraînant des foyers de nécrose hépatique (et une élévation asymptomatique des transaminases).
- Les formes plus sévères (les plus rares) comportent les lésions décrites dans le paragraphe précédent.

4) Stéatose aiguë gravidique

a) Fréquence.
C'est la plus rare (1/10 000), mais aussi la plus grave des hépatopathies gravidiques.
b)  Anatomie pathologique.
La lésion est une stéatose microvésiculaire.
c)  Contexte de survenue.
Il existe des signes de toxémie gravidique (voir ci-dessus) dans environ 50 % des cas.
d)  Symptômes
i) Les symptômes apparaissent habituellement au 3e trimestre (habituellement entre la 34e et la 36e semaine de gestation), plus rarement au 2e trimestre.
ii) Il peut s'agir des signes suivants :
- nausées, vomissements (très fréquents) ;
- douleurs abdominales ;
- polydipsie.
e)  Evolution.
En l'absence de diagnostic précoce et si la grossesse n'est pas rapidement interrompue, on peut observer un ictère (l'existence d'un prurit fait parfois penser à tort à une cholestase gravidique) et l'apparition d'une encéphalopathie hépatique avec un important risque de décès.
f)  Signes biologiques
On peut observer les anomalies suivantes.
- Transaminases modérément ou plus rarement très élevées (rarement supérieures à 500 UI/l).
- Bilirubine normale ou modérément élevée.
- Créatininémie et uricémie constamment élevées.
- TP et facteur V plus ou moins abaissés (insuffisance hépatique et risque aussi de CIVD ([oagulation intra-vasculaire disséminée]).
- Hyperleucocytose et thrombopénie fréquentes.
- Glycémie normale ou basse.
g)  Anomalies morphologiques
- Imagerie. L'échographie ne montre un foie hyperéchogène (évoquant une stéatose) que dans 80 % des cas.
- Histologie. Il est cependant assez rare que l'on ait recours à la biopsie hépatique (par voie transjugulaire) pour étayer le diagnostic.
h) Traitement
C'est l'interruption urgente de la grossesse.
i)  Pathogénie
Il existe une diminution de la bêta-oxydation mitochondriale des acides gras, pour laquelle on a pu mettre en cause :
- le rôle des estrogènes ;
- parfois une anomalie enzymatique génétique.
j) Evolution à distance
Ce syndrome peut parfois récidiver lors de grossesses ultérieures.

Réponse

L'assertion 4) g) comporte une inexactitude dans son premier alinéa. En effet, au cours de la stéatose aiguë gravidique, l'échographie est peu sensible pour le diagnostic de stéatose, puisqu'elle elle ne montre un aspect hyperéchogène (évoquant une stéatose) que dans environ 20 % des cas (et non pas 80 %).

Trois types de situation

Grossesse normale
1) Phosphatases alcalines : augmentation.
2) Autres tests : normaux.
Pathologie hépatique sans rapport avec la grossesse
1) Hépatite virale.
2) Médicament.
3) Aggravation ou révélation d'une pathologie préexistante.
Hépatopathies gravidiques
1) Ictère des vomissements gravidiques.
2) Cholestase intrahépatique de la grossesse.
3) Lésions hépatiques de la prééclampsie.
4) Stéatose aiguë gravidique.

Dr Claude EUGENE Chef du service de gastro-entérologie et d'hépatologie, CHI Poissy/Saint-Germain-en-Laye (site de Poissy)

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7307