Insulinorésistance : interrogations sur l'alimentation du prématuré

Publié le 30/03/2003
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La question de la nutrition des enfants prématurés revient au premier plan de façon récurrente. Depuis une vingtaine d'années, en effet, en raison de la majoration du nombre des naissances d'enfants avant terme, des études sont mises en place afin d'évaluer le type de régime optimal à utiliser chez eux, pour leur permettre une croissance postnatale harmonieuse.

Pour contribuer au développement du système nerveux central, des régimes hypercaloriques et hyperlipidiques ont été proposés (2 g de protéines, 5 g de lipides et 7 g de glucides, contre respectivement 1,5, 3,5 et 7 g pour les laits classiques). Ces régimes ont pour effet d'induire une prise de poids supérieure à celle liée aux régimes utilisés jusqu'alors, particulièrement au cours des deux premières semaines de vie. Mais la mise en place de tels régimes a aussi fait naître des craintes d'effet délétère sur le système cardio-vasculaire à plus ou moins long terme. Ces doutes ont été renforcés par le résultat d'études sur l'alimentation hypercalorique et hyperlipidique dans des modèles animaux.
">Pour cette raison, une autre attitude nutritionnelle a été évaluée au cours des années 1980. Dans cinq hôpitaux britanniques, entre 1982 et 1985, les nouveau-nés prématurés pesant moins de 1 850 g ont été randomisés pour recevoir soit un régime enrichi - celui utilisé habituellement à cette époque pour de tels enfants -, soit une nutrition moins calorique (lait maternel non enrichi ou lait standard pour les enfants nés à terme). Au total, deux phases d'étude ont été mises en place : l'une a inclus 502 enfants, l'autre 424. Les sujets ont été suivis pendant treize à seize ans et les investigateurs britanniques ont procédé à leur évaluation clinique et biologique en 2002.
Afin de tester l'influence du régime sur l'apparition de troubles de la régulation glycémique et sur l'éventuelle apparition d'une insulinorésistance à moyen terme, l'équipe du Dr Atul Singhal (Londres) a mesuré chez tous les sujets la concentration en fragment 32-33 de la pro-insuline, un marqueur de l'insulinorésistance. Ce test a pu être effectué chez 106 sujets recevant une alimentation enrichie, chez 110 recevant un régime considéré comme hypocalorique et chez 61 enfants nés à terme.
« La concentration en fragments 32-33 de la pro-insuline était plus élevée chez les sujets qui avaient reçu une alimentation enrichie que chez ceux qui avaient bénéficié d'un régime moins calorique (différence : 26 %). Elle était en revanche similaire à celle des enfants témoins nés à terme », expliquent les auteurs. Dans ces conditions, le bénéfice du régime hypocalorique reste encore à déterminer.
Pour le Dr Singhal, « on peut déduire de ces résultats que la prise de poids rapide au cours des deux premières semaines peut être nuisible à long terme. Mais les implications physiopathologiques de cette étude chez les sujets devenus adultes doivent être précisées ».

« The Lancet », vol. 361, pp. 1089-1095.

Dr Isabelle CATALA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7305