Malgré des débats agités et qui se sont éternisés, les députés ont bel et bien adopté assez largement l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution ce jeudi 24 novembre, par 337 voix pour et 32 contre.
Ce texte de protection de l’avortement était inscrit au programme d'une journée réservée à LFI dans l'Hémicycle. Il s'agit de « se prémunir d'une régression » comme récemment aux États-Unis ou ailleurs en Europe, a plaidé la cheffe de file du groupe LFI Mathilde Panot.
Elle a cité Simone de Beauvoir : « Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse, pour que les droits des femmes soient remis en question ».
L'adoption a été largement applaudie débout pas un hémicycle fourni. Mathilde Panot s'est dite « très émue de ce vote et de ce signal historique que l'Assemblée nationale s'honore à envoyer à toutes les femmes du pays et du monde ».
Le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti de son côté a fait part de « son grand honneur » et « sa grande émotion », face à ce vote « historique ». Et il a renvoyé la balle au Sénat, puisqu'une modification de la Constitution nécessite l'accord des deux chambres.
Une réécriture pour assurer l'adoption
Avant d'en arriver là, la gauche et la majorité se sont accordées jeudi sur une formulation commune pour cette inscription. La proposition coécrite par la gauche et des députés du camp présidentiel a été largement adoptée à la mi-journée par 226 voix contre 12.
Elle réécrit le texte initial porté par la cheffe de file des députés Insoumis. Le texte propose la phrase suivante, à insérer à l'article 66 de la Constitution : « La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse ».
Ce changement vise à lever les réticences de certains députés qui, bien que favorables à la constitutionnalisation du droit à l'avortement, n'étaient pas convaincus par le texte proposé par les Insoumis qui prévoyait aussi d’inscrire le droit à la contraception dans la Constitution.
Le texte original des Insoumis stipulait : « Nul ne peut porter atteinte au droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l'accès libre et effectif à ces droits ».
La formulation négative, la crainte d'un droit devenant sans limites et le fait qu'il introduise aussi dans la Constitution le droit à la contraception avaient fait l'objet de critiques. Des députés faisaient notamment valoir qu'un texte comparable avait été rejeté en octobre par le Sénat.
Chose rare, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a apporté son soutien à la proposition LFI, l'estimant « plus que nécessaire en ces temps agités ». Dans le même temps, droite et extrême droite avaient fait valoir qu'ils jugeaient ces débats inutiles, le droit à l'avortement n'étant pas menacé en France selon elles.
Pas de nouveau texte de la majorité
Les débats avaient avancé péniblement dans la matinée jeudi, alors qu'au sein du groupe LR montaient au front les membres de l'Entente parlementaire pour la famille, favorables à un « équilibre » entre « liberté de la femme » et « protection de la vie à naître ».
La présidente du groupe RN Marine Le Pen a, elle, brièvement défendu l'inscription dans la Constitution du « droit actuel en vigueur » par un renvoi au Code de santé publique. « Pas un seul mouvement politique représentatif » n'est contre l'avortement, mais ce droit n'est pas « inconditionnel », a-t-elle fait valoir, en référence aux délais pour l'IVG et à la clause de conscience des médecins.
Le garde des Sceaux a étrillé son amendement, un « objet juridique non identifié », le Code de la santé pouvant être modifié et la protection constitutionnelle n'étant pas assurée par cette voie.
Le ton est aussi monté à maintes reprises, alors que droite et extrême droite portaient des propositions sans aucun lien, sur l'immigration ou les institutions.
Dans le camp présidentiel, la patronne des députés Renaissance Aurore Bergé a retiré son propre texte, qui devait être débattu en séance à partir de lundi prochain et exhorté l'Assemblé à voter ce texte unique. Présente dans l'hémicycle ce jeudi après-midi, elle a évoqué le cas de sa mère qui a avorté à l'époque où l'IVG n'était pas encore légal.
La députée a donc rappelé que l'inscription dans la Constitution n'était « pas un caprice » ni « une question de groupes ». Saluant le travail transpartisan elle a ajouté, « si sur la question des droits des femmes nous ne sommes pas capables de le faire, alors nous ne serons capables de le faire sur aucun texte ».
Le texte doit maintenant obtenir l'aval du Sénat dominé par la droite ? En tant que texte d'initiative parlementaire, il devra aussi être soumis en fin de course à un référendum. Une épreuve redoutée, tant elle pourrait, craignent certains, mobiliser les réseaux anti-avortement.
(avec AFP)
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature