Livres
La commémoration des attentats du 11 septembre 2001 s'était accompagnée, on s'en souvient, d'une floraison de très nombreux documents. D'autres ouvrages avaient alors commencé de paraître pour tenter d'expliquer les positions américaine et irakienne ainsi que les enjeux du conflit, sans qu'on puisse vraiment parler de « rush » sur le sujet. Mais depuis que les armes ont pris le pas sur les mots, ces livres qui répondent à de nombreuses questions que l'on se pose, reviennent sur le dessus des piles des libraires.
Il en est ainsi de l'ouvrage d'Emmanuel Todd « Après l'empire : essai sur la décomposition du système américain » (1), qui analyse le relatif déclin de l'empire américain après l'hégémonie des années 1950-1990, clef pour comprendre sa politique étrangère actuelle : en perte de puissance économique, le but stratégique n'est plus de défendre un ordre démocratique et libéral, mais de contrôler les ressources mondiales.
Ou, double actualité oblige, du pamphlet de Michael Moore, « Mike contre-attaque ! : bienvenue aux Etats Stupides d'Amérique » (2), dans lequel l'agitateur professionnel dénonce les maux cachés de l'Amérique : l'illettrisme et l'alcoolisme, la libre circulation des armes, le racisme, la peine de mort, la pauvreté massive, mais aussi l'arrogance et l'irresponsabilité de la politique étrangère du pays.
Trois mois après sa sortie, « la Guerre des Bush : les secrets inavouables d'un conflit » (3) du Français Eric Laurent, continue d'occuper les premières places du classement des ventes. L'auteur remonte aux origines du dossier irakien lors du conflit Iran-Irak, quand George Bush était vice-président de Ronald Reagan et il explique en particulier les intérêts croisés des familles Bush et Ben Laden dans cette région du monde.
Autre ouvrage paru il y a quelques mois dont la carrière redémarre actuellement, « l'Amérique de George W. Bush » (4), de Jean Solbès. Journaliste, celui-ci a suivi de nombreuses commissions du Congrès des Etats-Unis et couvert toutes les Conventions démocrates depuis 1984 ; il a également travaillé comme conseiller dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations unies. Cette approche de l'intérieur l'a conduit d'une part à dévoiler, en remontant plusieurs décennies, la face cachée de la famille Bush et de George W., d'autre part à expliquer l'évolution de la société américaine, victime d'une stratégie qui vise à imposer une politique de régression sociale lourde de conséquences pour les salariés américains, mais également pour les Européens dans le cadre de la mondialisation.
Tout juste sorti de l'imprimerie, le nouveau Bob Woodward - le journaliste du « Washington Post » qui a publié en 1974, avec Carl Bernstein, « les Hommes du Président », l'enquête qui a révélé le scandale du Watergate, et une dizaine d'autres livres politiques à succès -, « Bush s'en va-t-en guerre » (5). Comme à l'accoutumée, il nous amène au cur de l'action et dans les coulisses du pouvoir pour retracer, heure par heure, la mise en place de l'implacable machine de guerre américaine contre le terrorisme qui a suivi l'attaque du World Trade Center, de l'Afghanistan à l'Irak. Dans une sorte de thriller politique survolté, il fait partager l'intimité des principaux décideurs - Dick Cheney, Condoleeza Rice, Colin Powell, Donald Rumsfeld... - qui tâtonnent et s'opposent, il dévoile interviews exclusives avec le Président, dossiers top secrets, réunions de cabinet, opérations secrètes de la CIA pour soudoyer des seigneurs de guerre afghans, etc.
Autre retour en force d'un « héros » du septembre noir américain 2001, Rudolph W. Giuliani, l'ex-maire de New York, qui se livre tout entier dans « Leadership » (6). Il revient bien sûr en détail sur les événements du 11 septembre mais aussi sur son parcours personnel très riche et coloré, dont ses démêlés conjugaux très médiatisés, ses prises de position tranchées en matière de politique intérieure, sa lutte contre le cancer, sa conception du management, sa façon de lutter contre la violence urbaine. Nommé « Homme de l'année » par le magazine « Time », anobli par la reine Elizabeth, numéro 1 des meilleurs ventes aux Etats-Unis avec ce livre, Rudolph Giuliani est décidément loin d'être un « has been » ; on parle maintenant de lui comme d'un présidentiable potentiel.
Côté irakien
Parmi la dizaine de très récentes parutions côté irakien, on retient une série d'entretiens de William Pitt Rivers avec l'ex-chef des inspecteurs des Nations unies pour le désarmement en Irak de 1991 à 1998, Scott Ritter, dans lesquels celui-ci démonte les arguments des gouvernements Bush et Blair en faveur d'une intervention armée men Irak. « Guerre à l'Irak » (7) souligne notamment l'absence totale de liens entre All Qaida et Saddam Hussein et prévient qu'un changement de régime ne conduira pas forcément à la démocratie.
On lit aussi avec intérêt l'ouvrage de Saïd K. Kaburish, « le Vrai Saddam Hussein » (8), une biographie non officielle qui retrace le parcours politique du futur dictateur en étroite relation avec l'histoire de son pays et répond notamment à la question : comment Saddam Hussein, qui connut une jeunesse pauvre et isolée, a-t-il pu accéder si rapidement à la tête du régime irakien ?
De la même eau, « L'Irak de Saddam Hussein » (9) de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, correspondants de RFI dans la région, brosse le portrait du chef de l'Etat et de la situation politique en Irak. Tandis que « Irak : le dessous des cartes » (10), réalisé sous la direction d'Amir Taheri et Patrick Wajsman, constitue une réflexion globale en réunissant des textes de leaders de l'opposition irakienne, mais aussi de Tarek Aziz, de responsables saoudiens, du dirigeant de la Commission des Nations unies chargé du désarmement de l'Irak Rolf Ekeus et d'observateurs de la presse internationale.
Forces américaines
Côté américain, on relève la contribution de Noël Mamère du mouvement des Verts et du journaliste Patrick Farbiaz, « Dangereuse Amérique : chronique d'une guerre annoncée » (11), dans lequel les auteurs démontent les concepts et les mécanismes mis en place depuis les attentats du 11 septembre 2001, par la Maison-Blanche et le Pentagone, pour déployer leurs stratégie et transformer le monde en arrière-cour des Etats-Unis, menant la planète à une insécurité permanente.
Même préoccupation de Florence Kuntz d'expliciter les raisons profondes de la politique américaine et de sa propagande même si le titre de son livre est aujourd'hui dépassé : « Faut-il détruire Bagdad ? » (12).
Et les amateurs se pencheront, avec Tom Clancy et John Gresham, sur « les Forces spéciales : visite guidée d'un corps d'élite de l'US Army » (13), ou bien, avec Catherine Durandin, sur « la CIA en guerre » (14), avec Alexis Debat sur l' « Histoire secrète de la CIA » (15).
D'une manière plus générale, on lira avec intérêt l'essai de Marwan Bishara sur les vraies raisons de la croisade antiterroriste engagée par l'administration de G. W. Bush, « la Croisade antiterroriste : intégrisme chrétien et guerres asymétriques américaines » (16), dans lequel il montre comment les conflits de la guerre froide se sont transformés en nouvelles guerres ; ou celui de Maxime Decourt, « A qui profite le désordre mondial ? » (17), pour qui depuis la fin de la guerre froide en 1989, un nouvel ordre dans les relations internationales s'est mis en place sous forme de désordre, de déstabilisation et de nouvelles formes de conflits.
Et pourquoi ne pas commencer simplement par la somme de Jean-Pierre Ferrier, « l'Année diplomatique 2003 : la synthèse annuelle des problèmes politiques internationaux » (18), qui donne les clés pour comprendre les grandes tendances de l'évolution des relations internationales en 2003, avec le détail des conflits et des collaborations pour chaque continent.
(1) Edition Gallimard, 233 p., 18,5 euros.
(2) Editions de La Découverte, 231 p., 17 euros.
(3) Editions Plon, 250 p., 18 euros.
(4) Pop'Com édition, 227 p., 16 euros
(5) Edition Denoël, 382 p., 20 euros.
(6) Editions Buchet-Castel, 429 p., 20 euros.
(7) Editions Le Serpent à Plumes, 120 p., 1 euros.
(8) Editions Saint-Simon, 593 p., 23,95 euros.
(9) Editions 1, 18 euros.
(10) Editions Complexe, 22,50 euros.
(11) Editions Ramsay, 168 p., 17 euros
(12) Editions Le rocher, 10,5 euros.
(13)Editions Albin Michel, 412 p., 23,90 euros.
(14) Editions Grancher, 250 p., 20 euros.
(15) Editions Flammarion, 500 p., 24 euros.
(16) Editions La Découverte, 160 p., 12,50 euros.
(17) Editions 1, 250 p., 20 euros.
(18) Editions Gualino, 303 p., 2 euros.
Quid du patriotisme ?
Pour prendre du recul sur cette actualité brûlante, la « Revue des Deux Mondes » a ouvert un dossier sur « le phénomène patriote », mais sans traiter directement des Etats-Unis ou du Moyen-Orient et en privilégiant les voies obliques de la recherche historienne.
On aborde donc cette question selon trois approches : le cas de Porto-Rico, celui de la colonie allemande installée à Ottawa au Canada et la question emblématique de l'Alsace-Lorraine. Loin de toute exaltation ou apologie de mauvais aloi, il s'agit au contraire pour les auteurs - placés sous la direction d'André Rakoto et Bernard Cottret -
de comprendre la relation d'un groupe d'individus à un espace donné ou à construire - cela toujours dans le cours complexe d'une histoire qui est celle du monde moderne.
« Revue des Deux Mondes » de février, 192 p., 11 euros (en kiosque et en librairie)
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