Cancers du rein

La renaissance de l'immunothérapie

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Publié le 15/05/2017
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Crédit photo : Phanie

« Le recours à l'immunothérapie dans le carcinome à cellules rénales (RCC) métastatique constitue en fait un retour, puisque jusqu'en 2005-2006, la stimulation de l'immunité par l’interféron et l’interleukine II constituait le traitement de référence, avec un taux de réponses faibles, mais quelques patients obtenaient des réponses sur le très long terme », remarque le Pr Marc-Olivier Timsit (hôpital européen Georges-pompidou, Paris). Elle avait été détrônée par les thérapies ciblées, amenant un taux de réponses objectives plus élevé avec moins d'effets secondaires. L'immunothérapie actuelle répond au même principe de stimulation de l'immunité avec des molécules qui améliorent le taux de réponse globale et la survie pour une tolérance bien meilleure.

L'immunothérapie, traitement de référence dans le RCC

Les essais publiés depuis plus d’un an placent maintenant l'immunothérapie comme traitement de référence en deuxième ligne après échec d'un inhibiteur des tyrosines kinases (TKI). Ainsi le nivolumab a montré une meilleure survie globale et moins d'effets secondaires que le traitement par everolimus dans cette situation. Mais comme dans les cancers de la vessie, le taux de réponse globale, évalué sur la diminution de la masse tumorale au scanner ne dépasse pas 20 à 30 %, tandis que la survie globale et la qualité de vie sont bien meilleures sous immunothérapie que sous TKI. « Ce qui va nous conduire à adopter un nouveau paradigme pour évaluer la réponse thérapeutique dans le suivi des patients et surtout dans les essais thérapeutiques », insiste l'urologue.

La chimiothérapie ou les thérapies ciblées visant l’angiogenèse ou les facteurs de croissance endothéliaux permettent d'observer des réponses à l'imagerie avec une diminution de la taille de la tumeur et une augmentation de la survie sans progression (PFS = Progression Free Survival). Ces deux critères utilisés dans les essais cliniques sont moins pertinents sous immunothérapie, dont le mécanisme est totalement différent, puisqu'elle agit en inhibant un cosignal inhibiteur des lymphocytes. Il faudra très probablement pour identifier les patients répondeurs, ne plus se baser uniquement sur l'imagerie mais plutôt sur la survie globale et chercher d'autres critères de réponse, en évaluant ce qui se passe au niveau des cellules immunitaires et pas uniquement au niveau de l'imagerie pour identifier les patients répondeurs.

Les effets indésirables les plus fréquents sous immunothérapie sont les infections des voies aériennes supérieures et les diarrhées, les colites et la myasthénie sont très rares et de bas grade. Alors que les TKI provoquent 25 à 40 % d'effets indésirables et 10 à 20 % d'effets graves qui entraînent l'arrêt un traitement, les complications de grade élevé se situent autour de 0,5 à 1 % sous immunothérapie, une tolérance incontestablement bien meilleure qui, avec l'amélioration de la qualité de vie favorise l'observance. Les TKI gardent une place cependant, en particulier chez les personnes atteintes de pathologie auto-immune ou en association.

Vers des associations thérapeutiques

Sous immunothérapie, on obtient des réponses très prolongées mais avec un taux de répondeurs modéré, d'où l'idée de les associer soit avec une immunothérapie inhibant un signal immunitaire différent, soit avec des thérapies ciblées, voire avec la radiothérapie. Le seul essai publié concerne l'association nivolumab/axitinib mais d'autres sont en cours, pembrolizumab/axitinib, ou atezolizumab/bevacizumab, etc. qui sont comparées aux TKI de référence. « La difficulté, du fait du grand nombre d'essais sera sans doute aussi de savoir laquelle choisir, dans la mesure où il n'y a pas de comparaisons head to head entre les associations », commente le Pr Timsit.

L'immunothérapie dans le cancer du rein localisé

Après chirurgie, jusqu’à 30 % des RCC localisés récidivent sur le mode métastatique. Il apparaît souhaitable de proposer des traitements adjuvants mais actuellement les TKI n'ont pas apporté la preuve de leur efficacité dans cette situation (en dehors d'un seul essai positif avec le sunitinib mais avec une toxicité importante et des résultats en contradiction avec d'autres essais négatifs), aussi les recommandations européennes et françaises ne les préconisent-elles pas de traitement adjuvant dans le RCC localisé. Pourtant il semble désormais logique de proposer l'immunothérapie en néoadjuvant et/ou en adjuvant en complément de la chirurgie. Ainsi des essais sont désormais ouverts pour évaluer l'atezolizumab après chirurgie pour une tumeur importante mais localisée, ou le nivolumab en néoadjuvant et adjuvant dans les tumeurs localisées de grande taille avec des ganglions suspects au scanner.

À la recherche de biomarqueurs prédictifs de la réponse thérapeutique

Pour évaluer le pronostic, on dispose d'éléments cliniques et de quelques facteurs biologiques comme l'expression de PD1, élément de mauvais pronostic mais qui ne permet pas pour autant de prédire la réponse aux anti-PD1. « On manque de biomarqueurs qui nous permettraient d'anticiper la réponse et de choisir le traitement de façon individualisée », constate l'urologue.

D'après un entretien avec le Pr Marc-Olivier Timsit (hôpital européen Geaorges-Pompidou, Paris)

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Bilan Spécialiste